Le smartphone qui vaut un reflex ?

Au fil des chutes, mon bon vieux P10, qui a fêté ses six ans en février, a com­men­cé à don­ner des signes de fai­blesse. 1 Donc, il y a quelques mois, j’ai com­men­cé à regar­der ce qui exis­tait de plus moderne.

J’ai beau­coup enten­du des trucs du style “les smart­phones actuels, ils ont des zooms de ouf, même pour les ani­maux, tu ver­ras”, quand ce n’é­tait pas car­ré­ment “non mais ton plein for­mat avec un 400 mm, là, ça sert plus à rien, un tél fait aus­si bien”.

Donc évi­dem­ment, j’ai cher­ché un smart­phone avec un bon téléobjectif.

Comme je suis pas mil­liar­daire et que j’u­ti­lise mes poches, je vou­lais pas un truc qui coûte un tren­tième de ma mai­son et qui m’o­bli­ge­rait à avoir un sac à main pour le trans­por­ter. J’ai donc pas­sé beau­coup de temps sur les fiches tech­niques, à rager contre les abru­tis qui ont décré­té que le télé­ob­jec­tif n’in­té­res­sait pas les ama­teurs de smart­phones com­pacts ni ceux qui gagnent moins qu’un dépu­té. Et donc, j’ai fini par prendre un Pixel 6 Pro d’oc­ca­sion. Je me suis empres­sé de tes­ter les dif­fé­rents objec­tifs, en acti­vant l’en­re­gis­tre­ment Raw pour pou­voir voir ce que ça donne “en vrai”, avant le trai­te­ment de Google. Sur les grands-angles, rien à dire, ça marche, les cou­leurs sont bien et les détails nom­breux. Sur le téléobjectif…

Faucon dans un arbre, Pixel 6 Pro avec "zoom 20x"
Le “zoom 20x” (en fait un reca­drage de 622×832 px d’une focale fixe au champ équi­valent à un 104 mm, don­nant un angle de vision équi­valent gros­so modo à un 500 mm) donne des images cor­rectes avec un peu d’ac­cen­tua­tion depuis le fichier Raw.

La bonne sur­prise, c’est que quand on zoome beau­coup, le fichier raw est reca­dré : il est donc très léger (4 à 5 Mo à “20x”). Le piqué est pas ouf (en même temps, f/3,5 pour des pho­to­sites de 0,8 µm…) mais tout à fait utilisable.

La mau­vaise sur­prise, c’est le Jpeg. Quel est le débile pro­fond qui a eu l’i­dée de géné­rer des Jpeg de 12 Mpx à par­tir de don­nées de 0,5 Mpx ? Com­ment peut-il espé­rer créer 25 pixels par pho­to­site ? Alors même que déjà, l’op­tique peine à offrir une réso­lu­tion suf­fi­sante pour bien sépa­rer ceux-ci ?

Sans sur­prise, c’est abso­lu­ment hor­rible. On dirait une pein­ture à l’huile réa­li­sée au cou­teau par un type plus proche de Bouygues que de Van Gogh.

Tableau à la truelle de GoogleRedimensionnement du Jpeg aux dimensions du raw

Le pire, c’est que le trai­te­ment d’i­mage est pas mal dans l’ab­so­lu, comme le montre le Jpeg sim­ple­ment remis à ses dimen­sions d’o­ri­gine – avant cet éti­re­ment ridi­cule façon sup­plice du che­va­let. L’ac­cen­tua­tion reste trop mar­quée, en par­ti­cu­lier sur les branches, mais les cou­leurs sont propres et la tête du fau­con res­sort bien. Si l’ap­pa­reil per­met­tait d’a­voir un Jpeg à ses vraies dimen­sions, ça pour­rait être un excellent outil.

Main­te­nant, reste la ques­tion qui fâche : est-ce que ça vaut vrai­ment un vrai appa­reil avec un vrai téléobjectif ?

Ce cré­ce­relle ayant eu la bonne idée de res­ter un moment sur sa branche, j’ai un élé­ment de réponse.

Crécerelle par Sony A7R IV et Tamron 50-400 mm
Le même oiseau, sur la même branche, vu du même endroit, par un Alpha 7R IV et un Tam­ron 50–400 mm.

Comme je suis un mec sym­pa qui sait fait preuve de pitié, l’i­mage ci-des­sus n’est même pas à 100 % (j’ai reca­dré à l’ar­rache une zone qui don­nait une com­po­si­tion cor­recte) et c’est un extrait du Jpeg du boî­tier, qui pour­rait sans doute être amé­lio­ré en par­tant du Raw.

Bien sûr, là, vous voyez que le point est pas bon (il est sur la branche der­rière, pas sur l’oi­seau) et que l’a­ni­mal a tour­né la tête au mau­vais moment. Autant de pro­blèmes dont ne souffre pas l’i­mage du smart­phone, tout sim­ple­ment pas assez nette à la base pour qu’on puisse les voir.

Bref, oui, le Pixel 6 Pro a un télé­ob­jec­tif de dingue pour un smart­phone. Mais vous n’êtes pas près de me voir sans mon sac à dos, mon gros hybride et mon gros télé­zoom2.

  1. La sta­bi­li­sa­tion devient par­fois folle (don­nant alors des pho­tos trem­blo­tantes), l’é­cran est bien écla­té dans l’angle, l’USB‑C peine à trou­ver les péri­phé­riques connec­tés, le Wi-Fi 5 GHz bugue une fois sur deux… En prime, avec l’embonpoint des appli­ca­tions qui le pousse à tuer régu­liè­re­ment des tâches d’ar­rière-plan pour gagner de la mémoire, il a une fâcheuse ten­dance à buter la géo­lo­ca­li­sa­tion uti­li­sée par mon appa­reil photo.
  2. Beau­coup plus petit que le 50–500 mm qui l’a pré­cé­dé, pourtant.