Vergence et dioptrie

La plu­part des viseurs, qu’ils soient élec­tro­niques ou optiques, ont un cor­rec­teur diop­trique. Du coup, vous ver­rez régu­liè­re­ment dans la presse et chez les construc­teurs des expres­sions comme “régler la diop­trie”. Dans ce cas, vous pou­vez savoir une chose : votre inter­lo­cu­teur n’a pas fait une pre­mière S — ou pas­sait ses cours de phy­sique à dra­guer ses cama­rades au lieu d’écouter.

D’a­bord, un cor­rec­teur diop­trique, à quoi ça sert ?

Pour com­men­cer, voyons le rôle de l’o­cu­laire. L’œil du pho­to­graphe est phy­si­que­ment situé quelques cen­ti­mètres de l’é­cran (qu’il s’a­gisse du LCD ou de l’O­led d’un viseur élec­tro­nique, ou du verre dépo­li d’un viseur reflex). À cette dis­tance, il est impos­sible de le regar­der direc­te­ment : l’o­cu­laire a pour prin­ci­pale mis­sion de don­ner l’im­pres­sion que l’é­cran est beau­coup plus loin, afin que l’œil puisse l’ob­ser­ver confortablement.

Viseur électronique : l'oculaire crée une image virtuelle de l'écran, plus loin, afin que l'œil puisse l'observer.
Viseur élec­tro­nique : l’o­cu­laire crée une image vir­tuelle de l’é­cran, plus loin, afin que l’œil puisse l’observer.

On dira qu’il pro­jette une image vir­tuelle de l’é­cran : au contraire d’une image réelle, que l’on peut cap­tu­rer sim­ple­ment en met­tant une sur­face sen­sible au bon endroit, une image vir­tuelle ne peut être obser­vée qu’en la pro­je­tant à son tour dans un objec­tif — ici, l’œil, qui est un objec­tif à quatre élé­ments (cor­née, humeur aqueuse, cris­tal­lin, humeur vitrée) dont deux liquides et un déformable.

Aider les bigleux

Pour que la plu­part des gens voient confor­ta­ble­ment, l’o­cu­laire ren­voie géné­ra­le­ment l’i­mage de l’é­cran à un ou deux mètres de l’œil.

Le pro­blème, c’est avec les myopes (ceux qui ne voient bien que de près) et les hyper­mé­tropes (qui ne voient bien que de loin). Opti­que­ment, ça veut dire que la dis­tance focale de leur œil n’est pas cor­rec­te­ment calée pour envoyer une image pile sur la rétine : soit les rayons convergent en arrière de la rétine (leur œil n’est pas assez convergent par rap­port à sa lon­gueur), soit en avant (trop convergent).

Œil myope sans correction (en haut) et avec un verre correcteur (en bas).
Œil myope sans cor­rec­tion (en haut) et avec un verre cor­rec­teur divergent (en bas).

Pour cor­ri­ger leur vue, on rajoute une len­tille (le verre de la lunette, ou les verres des lunettes si, comme la plu­part des gens, ils font cor­ri­ger les deux yeux). Si l’i­mage est en arrière de la rétine, on ajoute une len­tille qui fera conver­ger les rayons ; si elle est pro­je­tée en avant, une len­tille qui les fera diver­ger (sché­ma ci-dessus).

Conver­ger, diver­ger, dites-vous ?

Oui, le terme neutre pour dési­gner le phé­no­mène, c’est bien “ver­gence”.

La vergence

Tout le pro­blème de la ver­gence, c’est de la mesu­rer. Pour un sys­tème convergent, c’est simple : il suf­fit de mettre un cap­teur pho­to­sen­sible der­rière, et de regar­der à quelle dis­tance les rayons venant de loin sont foca­li­sés. Logi­que­ment, on appelle cela “dis­tance focale”, et cela per­met de carac­té­ri­ser les len­tilles conver­gentes et tous les sys­tèmes qui y res­semblent vague­ment — objec­tif, œil, miroir concave… L’en­semble cor­née — humeur aqueuse — cris­tal­lin — humeur vitrée, par exemple, a une dis­tance focale de l’ordre de 17 mm lorsque le cris­tal­lin est réglé pour regar­der l’horizon.

Et les sys­tèmes diver­gents ? Et bien, les rayons qui les tra­versent ne sont évi­dem­ment pas foca­li­sés plus loin, mais eux aus­si forment une image vir­tuelle. Il est éga­le­ment pos­sible de mesu­rer la dis­tance sépa­rant celle-ci du centre optique. Par abus de lan­gage, on l’ap­pelle éga­le­ment dis­tance focale, même si rien ne s’y foca­lise : quand on regarde les rayons sor­tant du divergent, on a l’im­pres­sion qu’ils étaient foca­li­sés à cette distance.

Plus la conver­gence est forte, plus la dis­tance focale est courte : la conver­gence est donc l’in­verse, au sens mathé­ma­tique du terme, de la dis­tance focale. De même, la diver­gence est l’in­verse de la dis­tance sépa­rant l’i­mage vir­tuelle du foyer optique.

Logi­que­ment, l’u­ni­té de ver­gence est donc… l’in­verse du mètre. Le m⁻¹, pour les ama­teurs de nota­tions scientifiques.

Comme c’est pas pra­tique à écrire, on lui a don­né un autre nom : le m⁻¹ s’ap­pelle “diop­trie” (sym­bole δ). Oui, pour nous, un del­ta minus­cule, c’est pas non plus pra­tique à écrire, mais les scien­ti­fiques ont leurs raisons…

Pour un sys­tème convergent, la ver­gence est posi­tive ; par exemple, un objec­tif de 50 mm de focale a une ver­gence de 20 δ. Pour un sys­tème divergent, comme une lunette de myope, la ver­gence est néga­tive : par exemple, obser­vé à tra­vers un verre de ‑5 δ, un objet loin­tain paraît être à 200 mm.

Le correcteur dioptrique

Tout cela nous mène donc au cor­rec­teur diop­trique. C’est un méca­nisme qui per­met de modi­fier la ver­gence de l’o­cu­laire d’un viseur, un peu comme on change de lunettes.

Logi­que­ment, si votre appa­reil est équi­pé d’un cor­rec­teur diop­trique de ‑4 à +3 δ et que vous por­tez des lunettes dont la ver­gence est dans cette plage, vous devriez pou­voir tout sim­ple­ment repor­ter la valeur de vos lunettes dans celle du cor­rec­teur diop­trique et obte­nir direc­te­ment une visée adaptée.

Chez Panasonic, on confond "réglage dioptrique" et "réglage de la vergence". Le résultat pique un peu les yeux. - capture d'écran de la fiche technique du GX8
Chez Pana­so­nic, on confond “réglage diop­trique” et “réglage de la ver­gence”, donc on écrit “réglage de la diop­trie”. Le résul­tat pique un peu les yeux. — cap­ture d’é­cran de la fiche tech­nique du GX8

Tout ceci pour en arri­ver à cela : beau­coup trop de gens, y com­pris des pro­fes­sion­nels répu­tés, pro­noncent et écrivent des hor­reurs comme “réglage de la diop­trie” ou “cor­rec­teur de dioptrie”.

Cela montre une seule chose : cer­taines gens n’ont plus aucun scru­pule à uti­li­ser des mots qu’ils ne connaissent pas sans même jeter un œil dans un dic­tion­naire. Un peu comme quand on nous parle de len­tilles en fluo­rite, voyez.

Ça vous paraît secon­daire, s’a­gis­sant de mots qu’on n’u­ti­lise pas tous les jours ? Certes. Mais ima­gi­nez une seconde quel­qu’un qui vous dirait de réduire le kilomètre/heure de votre voi­ture pour évi­ter un PV : vous trou­ve­riez ça nor­mal ou vous lui diriez d’ar­rê­ter de boire et d’u­ti­li­ser le mot “vitesse” ?