Petit test de gros machin
|Après deux jours où les nuages empêchaient de profiter du rapprochement entre Mars et Jupiter, j’ai enfin trouvé un ciel dégagé ce matin vers 6 h. Donc, j’en ai profité pour shooter Jupiter.
Il faut dire que Jupiter est un bon sujet pour… tester des objectifs. Et j’ai un nouvel objectif à tester. Enfin, nouvel… Il a une bonne dizaine d’années, mais quand je l’ai vu apparaître sur un site d’annonces, j’ai réfléchi quatre secondes et demie, j’ai relu l’annonce pour être sûr de ce que je lisais, et j’ai contacté le vendeur. Après des années d’utilisation du Bigma, j’ai donc déniché son grand frère, le Sigmonster — petit surnom du Sigma APO 300–800mm F5.6 EX DG HSM. Un exemplaire quasi neuf 1 dont je me suis dit en gros : “au pire, je pourrai te revendre au même prix ou te garder pour le jour où j’ouvrirai mon musée des machins rares, moutons à cinq pattes et autres pentaxeries”.
Et donc, je me suis dit que j’allais profiter d’une nuit relativement fraîche où Jupiter était haut dans le ciel (donc peu de perturbations atmosphériques) pour voir ce qu’il donnait.
Comme il faisait pas chaud, j’ai fait qu’une photo par ouverture, à 800 mm. Notez d’entrée qu’avec un coup de loupe dans le viseur, on voit littéralement la planète se déplacer : il ne lui faut qu’une poignée de secondes pour traverser l’aperçu. Donc pour peaufiner votre mise au point manuelle, pensez à jouer du joystick pour suivre le mouvement… Entre ça et la petite brise nocturne, j’ai bloqué la vitesse à 1/400 s pour être sûr que rien ne bouge. Avec le recul, j’aurais sans doute pu et même dû descendre plus bas, mais bon, eh, voilà.
En résumé : c’est pas trop mal.
À f/5,6, l’image est un peu floue (là, c’est recadré à 100% sur un capteur de 60 Mpx2), mais on voit déjà pas mal de détails — il n’y a pas de doute : c’est bien Jupiter, avec ses bandes caractéristiques. À f/6,3, l’espèce de brume se réduit, à f/7,1 elle disparaît presque totalement, Ganymède se distingue bien du bruit numérique et Callisto devient visible. Notez qu’à cette heure-là, Europe est dans l’ombre et Io est extrêmement proche de sa planète (elle sera devant 10 min plus tard), ce qui ne permet pas de les voir.
Ensuite ça reste très très bon jusqu’à f/14 (bon okay, y’a du bruit qui apparaît, désolé, on arrive à 1000 ISO). À cette ouverture, le piqué diminue un poil, ce qui est attendu (ça correspond à la limite de diffraction sur ce capteur).
Si on compare à ce que j’ai vu d’autre, ça donne quoi ?
Voici une photo d’août 2022, dans des conditions atmosphériques assez similaires (un poil plus chaud tout de même). Là, ce sont Europe et Io qui sont visibles. C’est l’alliance d’un A7R IV, du Sony 200–600 mm et de son doubleur. La focale réelle est donc de 1200 mm, 50 % plus longue. L’ouverture maximale est à f/13, mais c’est à f/16 que c’est le mieux. L’image est plus grande, mais moins nette qu’avec le Sigma à f/16, et donc évidemment moins bonne qu’avec le Sigma à f/9–10 : les bandes sont à peine visibles et les lunes sont des taches plutôt que des points.
J’ai aussi du Sigma 50–500 mm et du Tamron 50–400 mm, mais inutile de les publier : on voit même pas les bandes. Faut dire que le vieux Bigma a une résolution nettement plus faible que ses héritiers 60–600 mm à sa focale max et que le Tamron qui me sert tous les jours, aussi bon soit son rapport qualité/prix, bah il plafonne à 400 mm et il a été conçu pour être léger, quoi.
Maintenant, si monsieur Sigma veut me prêter un 200–500mm et son doubleur, je suis curieux de comparer.
En bonus, je vous mets une lune faite samedi lors d’une rencontre de l’Astroclub charentais. Le ciel était légèrement voilé mais j’ai pu me glisser entre les nuages avant que le rafraîchissement nocturne les épaississe trop.
Et une de Saturne le même soir. C’est la première fois que je teste un objectif qui permet de distinguer les anneaux, mais on est clairement à la limite du possible.
“Et Mars ?”, dites-vous, car vous êtes taquin et vous avez noté que j’ai cité cette petite cachottière en ouverture3. Et bien, Mars s’est bien éloignée de Jupiter, saleté de nuages, merci. Du coup, en centrant sur Jupiter, elle m’a surtout confirmé que le 300–800mm a un peu de coma en périphérie, rien de méchant ni de surprenant, mais un peu. Et en centrant sur Mars, voici la meilleure photo du lot. On voit bien la dominante rouge, mais c’est tout.
- Son propriétaire l’avait acheté pour un safari animalier, annulé ledit voyage, gardé l’objectif en se disant qu’un jour peut-être il finirait par aller au Kenya, puis arrivé à la septantaine a fini par se dire qu’il allait pas porter un objo de six kilos et qu’autant le revendre.
- Non, le Sigmonster n’est jamais sorti en monture Sony. Non, personne d’autre que Sony ne fait de 60 Mpx. Mais y’a des gens chez Metabones qui s’occupent de faire discuter des objectifs en monture Canon et des boîtiers en monture Sony. Faites-moi penser à leur dire d’ajouter le Sigmonster sur la liste des objectifs testés avec succès.
- Et vous êtes friand d’épanadiploses.