Achetez mon livre : Slow photo

Je sais, vous n’a­vez pas le temps. Vous devez avan­cer le bou­lot, éle­ver les gosses, faire les courses1, tout ça. Mais souf­flez un bon coup. Sou­ve­nez-vous, avant, quand vous pou­viez flâ­ner une heure dans une librai­rie en feuille­tant des titres au hasard… Bonne nou­velle : il y a une librai­rie près de chez vous2. Allez‑y faire un tour, vous trou­ve­rez Slow pho­to, qui vous inci­te­ra à prendre le temps de pen­ser et regar­der autour de vous avant d’ap­puyer sur un déclencheur.

Slow photo, par Sophie Howarth

Je l’ai déjà dit, il y a un truc cool avec le rayon pho­to des édi­tions Eyrolles, c’est qu’il y a des livres très dif­fé­rents. Quand on tra­vaille pour eux, ça évite la mono­to­nie. Mais cette fois, c’est un ouvrage car­ré­ment à che­val sur deux rayons qu’ils publient : Slow pho­to est ran­gé dans la rubrique “Pra­tique pho­to”, mais le sous-titre Pho­to­gra­phier en pleine conscience dit clai­re­ment qu’il serait aus­si à sa place dans la sec­tion “Psy­cho & déve­lop­pe­ment”, voire dans “San­té & bien-être”.

Sophie Howarth explore ici une ving­taine de thèmes, avec une struc­ture très inha­bi­tuelle dans cette caté­go­rie. Si les réflexions sur la prise de vue et les pré­sen­ta­tions de pho­to­graphes célèbres ou plus dis­crets sont bien là, elles sont entre­cou­pées de véri­tables exer­cices de médi­ta­tion, avec ou sans appa­reil pho­to. Ain­si, un cha­pitre sur Doro­thea Lange, son tra­vail au ser­vice des pauvres, des exclus et des oubliés et sa constante modes­tie3 s’ar­ti­cule avec un exer­cice d’au­to-éva­lua­tion des­ti­né à évi­ter d’é­cra­ser les autres ou de se sous-esti­mer. Cette concep­tion ori­gi­nale rythme l’ou­vrage tout en per­met­tant de mul­ti­plier varia­tions et inter­pré­ta­tions. Les thèmes évo­qués sont d’au­tant plus larges et, si cer­tains pas­sages devraient vous lais­ser froids, d’autres pour­ront avoir un écho très per­son­nel — et ce, qui que vous soyez.

Pour ma part, j’ai dû me plon­ger dans des concepts aux­quels je ne m’é­tais guère frot­té, tenant plus de la psy­cho­lo­gie que de la pho­to­gra­phie. J’ai pas­sé du temps sur des sources concer­nant le fonc­tion­ne­ment du cer­veau, les res­sorts spi­ri­tuels et intel­lec­tuels, les tra­di­tions phi­lo­so­phiques ou reli­gieuses, et à cher­cher les adap­ta­tions fran­co­phones dans des domaines allant de la psy­chia­trie au boud­dhisme — en plus bien sûr des habi­tuelles heures pas­sées à regar­der ce que font et racontent les pho­to­graphes cités, afin d’être sûr de com­prendre ce qu’ils disent. Pour com­pli­quer la donne, ce tra­vail a été mar­qué par deux décès dans mon entou­rage et une inva­sion de l’U­kraine ; ça n’a pas tou­jours été simple de me concen­trer, mais d’un autre côté, tra­vailler sur quelque chose de plus psy­cho­lo­gique que d’ha­bi­tude a pu aider à prendre du recul. Mer­ci encore à mon édi­trice et à sa direc­tion, qui n’ont vu aucun pro­blème à déca­ler le ren­du de la ver­sion fran­çaise pour accom­mo­der mon actualité…

Meilleur pour le moral, j’ai eu l’oc­ca­sion de par­ler de ce livre avec des gens qui l’a­vaient lu : les pre­miers exem­plaires venaient d’ar­ri­ver lors de l’ou­ver­ture du Salon de la pho­to. Deux per­sonnes que j’ai croi­sées sur le stand Eyrolles m’ont dit un truc qui m’a fait énor­mé­ment plai­sir : “on n’a pas l’im­pres­sion qu’il a été écrit dans une autre langue”. Merci !

Ori­gi­nal par son conte­nu, Slow pho­to l’est aus­si par sa fini­tion : bro­ché, il pro­fite néan­moins d’une cou­ver­ture à rabats avec sur­face en relief façon tis­su, où l’illus­tra­tion en cou­leurs est rap­por­tée par col­lage. Le résul­tat est assez flat­teur, plus léger qu’une reliure rigide mais plus valo­ri­sant qu’un bro­chage habi­tuel. L’in­té­rieur est pour sa part plu­tôt ordi­naire, avec une trame d’im­pres­sion rela­ti­ve­ment visible et des noirs man­quant un peu de pro­fon­deur, mais reste de bonne facture.

En somme, c’est un ouvrage ori­gi­nal, sur­pre­nant, qui détonne clai­re­ment dans un rayon pho­to mais per­met de décou­vrir une approche dif­fé­rente et des concepts intéressants.

  1. Si bien nommées…
  2. Men­tion non contrac­tuelle, sur­tout si vous habi­tez au fin fond de la Drôme ou sur un causse per­du du Mas­sif central.
  3. “Les pho­tos sortent de l’es­prit [de mes sujets] autant que du mien”, disait-elle.