Courrier : ISO, vitesse, ouverture et molettes
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Si j’en reste au factuel : oui, il est possible de régler sensibilité, vitesse et ouverture en tournant des molettes avec un contrôle électronique derrière. C’est même la façon la plus commune de faire sur les appareils un tantinet avancés, pour lesquels modifier aisément les paramètres d’exposition fait partie des fondamentaux incontournables.
Ça, c’est la réponse que je ferais à un collégien. Mais mon interlocuteur étant en cinquième année de design industriel, je ne peux m’empêcher de poser une question : on leur apprend quoi, dans ces formations ?
Dans mon esprit, le but premier du design industriel, c’est de créer l’objet adapté à l’utilisation à laquelle on le destine. Il me semble donc que c’est justement la responsabilité fondamentale du designer de définir la meilleure façon de réaliser telle ou telle fonction : par exemple, je pensais naïvement que c’était à celui-ci de choisir si la sensibilité devait être un réglage automatique, un réglage manuel avec des boutons, un réglage manuel avec une molette, voire une combinaison des propositions précédentes (sur mon K‑5, je peux choisir entre laisser faire l’appareil, appuyer sur la touche Iso en tournant une molette ou l’affecter directement à une molette).

Dans mon esprit toujours, quand on est en dernière année de master et qu’on prépare son projet de diplôme, on est censé être capable de faire un peu de recherches pour se créer sa propre idée du sujet. Par exemple, un étudiant préparant son dossier de fin d’études sur un appareil photo pourrait chercher dans ses connaissances si par hasard quelqu’un aurait en posséderait un, le prendre en main, discuter des différentes fonctions et de leur implémentation, et passer quelques heures à regarder sur Internet comment ils sont faits et quel est l’état de l’art en la matière.
Et au bout du compte, notre étudiant contacterait des gens, ça fait évidemment partie des recherches ; mais il leur poserait des questions du genre “pensez-vous qu’une approche à trois molettes apporte une plus grande simplicité d’emploi (une molette, une fonction) ou une complication inutile (trop de commandes d’un coup) ?” ou “reste-t-il un avantage à conserver une liaison mécanique pour par exemple contrôler l’ouverture, ou le tout-électronique est-il définitivement la meilleure approche ?”
En revanche, quand il demande “est-ce qu’on peut mettre un bouton à tourner ?”, ça sonne étrangement comme “j’ai un gros poil dans la main, vous pouvez faire mon taf à ma place ?” et ça ne donne absolument pas envie de répondre (voyez comme je suis sympa, je l’ai quand même fait, dans le premier paragraphe en plus).
D’après son profil Facebook, mon interlocuteur étudie à l’école de design Strate (anciennement Strate collège¹). Celle-ci professe, dans sa brochure téléchargeable (avec données personnelles obligatoires), que la dernière année est “dédiée à la définition et au développement d’un projet personnel” où “l’étudiant va d’abord se lancer dans une phase de recherche et d’analyse”. Il semblerait que les notions de “recherche” et “analyse” de certains de leurs étudiants soient pour le moins extrêmement vagues ; pour une formation coûtant la bagatelle de 45 000 € pour les cinq années, je suis un poil déçu.
¹ Le Comité Anti-Traductions Foireuses se permet une petite excursion hors de son champ d’activités habituel (le cinéma) pour remercier cette école d’avoir renoncé à appeler “collège” un établissement qui délivre exclusivement des formations post-bac…