Sigma, du pare-balles aux filtres photo

Sig­ma lan­ce­ra en début d’an­née une gamme de filtres pro­tec­teurs pour objec­tifs. Leur par­ti­cu­la­ri­té : ils sont en vitro­cé­ra­mique et ont été déve­lop­pés avec le ver­rier Ohara.

Les vitro­cé­ra­miques, ça n’a rien de neuf, il est même pro­bable que vous en ayez chez vous. Tech­ni­que­ment, ce sont des maté­riaux basés sur du verre dans lequel sont intro­duits des micro­cris­taux d’autres élé­ments, don­nant des carac­té­ris­tiques inter­mé­diaires entre les verres et les céra­miques cris­tal­lines — en par­ti­cu­lier, une faible dila­ta­tion et une résis­tance accrue aux chocs ther­miques et aux agres­sions phy­siques, qui les rendent par­ti­cu­liè­re­ment utiles pour les plaques de cuis­sons, les plats, les usten­siles de cuisine…

Tenue de protection anti-explosion, ici dans le film Démineurs. Ce genre de tenue a été l'une des premières applications des vitrocéramiques transparentes à la lumière visible. photo Summit Entertainment
Tenue de pro­tec­tion anti-explo­sion, ici dans le film Démi­neurs. Ce genre de tenue a été l’une des pre­mières appli­ca­tions des vitro­cé­ra­miques trans­pa­rentes à la lumière visible. pho­to Sum­mit Entertainment

Les vitro­cé­ra­miques clas­siques sont opaques, au moins dans le visible. Leur struc­ture semi-cris­tal­line coupe en effet le che­min des pho­tons dont la lon­gueur d’onde est trop faible, la limite étant liée à la taille des micro­cris­taux. Cepen­dant, en créant des vitro­cé­ra­miques incluant des cris­taux de plus en plus fin, il a été pos­sible de créer des plaques trans­pa­rentes ; les vitro­cé­ra­miques sont uti­li­sées depuis long­temps dans les sys­tèmes à lasers, l’i­ma­ge­rie infra­rouge, la trans­mis­sion optique de don­nées, etc.

Leur résis­tance par­ti­cu­liè­re­ment éle­vée aux chocs et à la péné­tra­tion en a éga­le­ment fait des maté­riaux de choix pour les blin­dages, sur­tout lorsque le poids était un fac­teur impor­tant : casques et gilets pare-balles, pro­tec­tions des cock­pits d’a­vions ou d’hé­li­co­ptères de com­bat, etc. Avec l’ar­ri­vée des vitro­cé­ra­miques lais­sant pas­ser cor­rec­te­ment la lumière visible, on a vu naître des vitres blin­dées ; le Alstom a ain­si lan­cé le Trans­arm, une vitro­cé­ra­mique trans­pa­rente conçue pour les façades des équi­pe­ments de démi­neurs. Pas aus­si trans­pa­rent qu’un bon verre, mais dans ce contexte la qua­li­té d’i­mage est moins impor­tante que la pro­tec­tion de l’opérateur…

Dernière évolution

On en vient donc à la vitro­cé­ra­mique trans­pa­rente d’O­ha­ra, annon­cée ce matin, et à sa pre­mière appli­ca­tion concrète : les filtres pro­tec­teurs de Sigma.

Avec des cris­taux réduits à envi­ron 6 nm, la trans­mis­sion de la lumière est excel­lente sur l’en­semble du spectre visible, per­met­tant les mêmes appli­ca­tions qu’aux verres optiques : écrans, pan­neaux d’ins­tru­ments, filtres, vitres… Cepen­dant, ni Sig­ma ni Oha­ra ne donnent de valeurs de trans­mit­tance (Sig­ma évoque une réflexion de 0,24 % de la lumière, mais il s’a­git de celle du revê­te­ment déper­lant et non du verre lui-même).

Filtre vitrocéramique. document Sigma
Filtre vitro­cé­ra­mique. docu­ment Sigma

Cepen­dant, la résis­tance est net­te­ment supé­rieure au verre boro­si­li­cate : la dure­té est accrue de 20 %, l’ap­pa­ri­tion des fis­sures est mieux conte­nue et la résis­tance aux impacts est décu­plée. Du moins, c’est ce que dit Oha­ra, qui ne four­nit guère de chiffres pour appuyer ses dires : la seule valeur annon­cée est celle du test de dure­té Vickers. À 700, celui-ci pla­ce­rait ce maté­riau mar­gi­na­le­ment au des­sus du Gorilla Glass de Cor­ning (500 à 700 selon les ver­sions), popu­laire pour la pro­tec­tion des écrans de télé­phones par exemple, mais res­te­rait loin des verres en saphir pur.

Comparaison de tests Vickers à 0,5 kgf. Notez que le saphir est plus dur (la pointe s'enfonce moins), mais plus sensible aux fêlures. document Ohara
Com­pa­rai­son de tests Vickers à 0,5 kgf. Notez que le saphir est plus dur (la pointe s’en­fonce moins), mais plus sen­sible aux fêlures. docu­ment Ohara

Dans l’en­semble, les nou­veaux filtres annon­cés par Sig­ma doivent être 50 % plus fins et 30 % plus légers que les pré­cé­dents, tout en étant plus solides et aus­si ano­dins sur le plan optique. Cepen­dant, l’ab­sence de don­nées chif­frées fiables (résis­tance aux chocs selon des pro­to­coles pré­cis, trans­mit­tance en fonc­tion de la lon­gueur d’onde concer­née, etc.), il est impos­sible de tirer quelque conclu­sion que ce soit.

Ah, et les tarifs n’ont pas été annon­cés non plus. Quelque chose me dit que ça va être un peu plus cher que les clas­siques filtres en verre…