C’est bon, j’ai supprimé !
|Tout le monde le sait, on ne peut réutiliser une image, qu’elle soit trouvée sur Internet ou ailleurs, qu’avec l’autorisation de son auteur ou des ayants-droit de celui-ci.
Vous dites ? Pour les photos sous Creative Commons ou les travaux sous domaine public, on n’a pas besoin de demander ? C’est vrai. Ça ne veut pas dire que vous n’avez pas à obtenir l’autorisation, juste que l’auteur vous l’a accordée à l’avance.
Vous me direz que je suis bien placé pour faire la leçon, j’ai utilisé des photos de Bernd et Hilla Becher il n’y a pas longtemps. Certes. Vous noterez que je n’ai utilisé que des miniatures, à titre d’illustration de mon propos, ce qui rentre dans le cadre du droit de citation. Mais en dehors de cette exception, pour utiliser une image, il faut l’accord de l’auteur.
Pourtant, beaucoup de gens se servent sans hésiter dans n’importe quelle photo proposée par Google Images. Celle ci-dessus, par exemple, a été affichée en intégralité et en pleine largeur sur un site d’aviation, pour une page qui parlait d’hélicoptères suisses (au moins, c’était pas totalement hors-sujet), sans l’accord de l’auteur, donc au mépris total de ses droits patrimoniaux. Pis : elle avait été recadrée pour éliminer sa signature (pourtant fort discrète) et n’était pas attribuée, au mépris total de ses droits moraux. C’est donc doublement illégal, et l’auteur a logiquement envoyé une facture.
Mais en fait, je ne suis pas là pour parler de droit d’auteur ; je veux parler de la réaction des contrevenants. J’en parle parce que, il y a quelques jours, le phénomène s’est reproduit avec une autre photo dont je connais également l’autrice. Celle-ci a signalé la contrefaçon de son image, et le contrefacteur a réagi exactement comme l’éditeur du site d’aviation précédent.
Cette réaction est la suivante : supprimer l’image publiée et se dédouaner de toute responsabilité, y compris en répondant à un message de l’auteur sur Facebook.
Cette réaction est doublement crétine.
D’une part, elle est crétine en droit. Rappel : on doit obtenir l’autorisation avant toute utilisation d’image. Lorsqu’on utilise sans demander, on est en tort. Le préjudice (un manque à gagner de la valeur de la licence de l’image) est réel et immédiat. La supprimer n’y change rien, l’image aurait dû être payée à la seconde où elle a été employée.
D’autre part, elle est crétine sur le plan humain. La plupart des auteurs sont heureux qu’on souhaite utiliser leurs images, au point que quand on demande à l’avance pour une utilisation non-commerciale, il est extrêmement rare d’essuyer un refus, même sans offrir de contrepartie. Bon, en l’occurrence, il s’agissait d’utilisations commerciales (un site web vendant de la publicité et des accessoires d’une part, l’organisation d’une soirée payante d’autre part), mais je suis convaincu qu’avec une once d’intelligence il était possible de négocier amicalement un tarif très léger. Aussi, masquer la poussière sous le tapis, ça énerve les auteurs plus qu’autre chose : non seulement on a bel et bien utilisé leur travail, mais en plus on refuse toute compensation et on supprime la vague possibilité de reconnaissance qu’ils pouvaient espérer de cette publication. (Et évidemment, on essaie de faire disparaître les preuves, aussi.)
L’exemple de la capture ci-dessus a un bonus particulier : “L’incident me semble clos”. C’est de la politesse élémentaire : quand on est en tort, c’est la personne qu’on a lésée qui décide quand l’incident est clos. Déjà, c’est la liberté de l’auteur que de demander 12 000 € par image et par jour (il y a peu de chance que ça passe, mais après tout il fixe le prix de son travail où il veut) ou de vous foutre la paix. C’est encore plus son choix de décider jusqu’où aller dans les poursuites. Petit rappel :
La contrefaçon en France d’ouvrages publiés en France ou à l’étranger est punie de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende.
Vous avez donc tout intérêt à faire profil bas et à ne pas l’énerver.
Supprimer directement l’image n’est la bonne solution que si l’auteur le demande dès le premier contact. Dans le cas contraire, demandez-lui ce qu’il souhaite que vous fassiez : la supprimer, payer, lui offrir une bière, ajouter un lien, acheter son livre… Et dans tous les cas, mettez un mot d’excuse, reconnaissant ouvertement votre erreur (en l’espèce, nier est inutile, Internet a la mémoire longue et les captures d’écran existent), ça passera toujours infiniment mieux que de jouer au con.