Achetez mon livre : La composition
|Si votre libraire tient bien sa boutique, elle doit toujours avoir en rayon La composition, le petit dernier de Michael Freeman. La version française, sortie de mon clavier à l’automne, a été publiée il y a un mois et demi. Et oui, j’ai une bonne excuse pour faire ce billet avec un peu de retard : j’étais en train de traduire son petit frère (oui, déjà !).
C’est que, sans trahir un secret, Michael Freeman n’est plus tout jeune. En fait, cela fait bientôt quarante ans qu’il publie des livres didactiques sur la photo – et bien entendu, il avait déjà un peu de métier avant d’écrire Photographier toute la nature. Il a depuis publié une trentaine d’ouvrages en français (plus quelques autres qui n’ont pas été traduits) et couvert tous les aspects de cet art. Il a donc estimé que le temps était venu de faire un tour complet du sujet en lançant une série de livres, comme autant de bilans de cinq décennies de pratique assidue de la photographie et de l’enseignement de celle-ci.
Pour ouvrir cette série, il s’attelle à la composition. Ce n’est évidemment pas la première fois qu’il évoque le sujet ; elle est en fait présente dans à peu près tous ses ouvrages, en particulier L’œil du photographe (Pearson, 2008), souvent considéré comme un incontournable, et l’homonyme de notre sujet du jour, La composition (Pearson, 2012). Il fait ici le tour du sujet, à commencer par ce qu’est la composition – la conception de l’image par le photographe, en quelque sorte – et à quoi elle sert. Il couvre naturellement les différents types de composition et leur utilisation en fonction du style d’image, la géométrie sous-jacente, ainsi que la nécessité parfois de casser les compositions classiques.
Il apporte aussi une touche d’originalité en faisant un lien constant entre la photographie et la peinture classique. Plus inhabituel encore : il a eu recours à un laboratoire équipé pour suivre les mouvements des yeux, afin d’étudier comment différentes personnes regardaient des séries d’images. Les résultats sont parfois rassurants, parfois surprenants, toujours fascinants, et si j’ai un regret pour cet ouvrage, c’est qu’il n’ait pas plus souvent détaillé l’impact de telle ou telle composition sur le trajet du regard du spectateur.
En tant que traducteur, j’ai trouvé les chapitres brefs et homogènes et le propos clair. La version originale souffre de phrases parfois un peu longues et de quelques répétitions, mais reste très lisible, et j’espère lui avoir rendu justice dans la version française. J’ai tout de même eu un doute : l’auteur introduit le terme de “design” en complément au classique “composition”. Fallait-il le traduire par “composition”, par “conception” ou laisser “design” ? J’ai choisi de parler de “conception” pour la partie la plus philosophique et de “composition” pour la composition au sens photographique habituel. C’est forcément un choix discutable, et je suis curieux de voir comment il sera perçu.
Sur le plan physique, Eyrolles a travaillé à son habitude, avec un papier satiné bien opaque et un assemblage soigné. La couverture souple avec rabats donne une bonne sensation de qualité, sans naturellement atteindre les sommets des couvertures rigides des duChemin ou du précédent Freeman. Tout au plus peut-on regretter une trame un peu visible sur certains tons homogènes.
Pour résumer, l’ensemble est parfois un peu austère, mais c’est une étude complète et précieuse pour quiconque veut comprendre la photographie – ce qui est essentiel pour sa propre pratique. Cet ouvrage est bien parti pour faire partie de ces “livres-sommes” auxquels on vous renverra régulièrement et où vous redécouvrirez des choses de temps en temps. Et comme je viens de finir la traduction du deuxième tome, qui parlera de la lumière, je peux vous dire que cette nouvelle série de “masterclass” de Freeman se présente bien.