Les alternatives à Photoshop

Cette semaine, l’an­cien­ne­ment excellent DP Review a publié un article au titre pro­met­teur : 11 alter­na­tives peu coû­teuses à Pho­to­shop pour les pho­to­graphes de tout niveau. En treize pages, le site pré­sente donc onze logi­ciels. Oui, là, comme ça, ça res­semble à un clic­bait digne des pires heures de Topi­to, et c’est bien le pro­blème : on n’en est pas loin.

Alternatives à Photoshop

Le pre­mier point dis­cu­table est simple : qu’est-ce qu’une alter­na­tive à Photoshop ?

Pho­to­shop, c’est un logi­ciel d’i­ma­ge­rie bit­map — c’est-à-dire qu’il traite des pixels, ce qui est radi­ca­le­ment dif­fé­rent de trai­ter des courbes mathé­ma­tiques comme le font les logi­ciels vectoriels.

Ensuite, dans les logi­ciels d’i­ma­ge­rie bit­map, on trouve deux grandes familles : ceux des­ti­nés à tra­vailler sur des illus­tra­tions et ceux des­ti­nés à trai­ter des pho­tos. Les pre­miers, qu’on appelle sou­vent “édi­teurs”, existent depuis très long­temps ; les seconds, bap­ti­sés “déve­lop­peurs”, “déma­tri­ceurs” ou “cata­lo­gueurs” selon leur éven­tail de fonc­tions, sont appa­rus avec la popu­la­ri­sa­tion des appa­reils pho­to numériques.

L’ar­ché­type du cata­lo­gueur, c’est Ligh­troom, un logi­ciel conçu pour inté­grer le flux de trai­te­ment d’un pho­to­graphe, de la récu­pé­ra­tion des images depuis l’ap­pa­reil jus­qu’à leur publi­ca­tion en pas­sant par leur tri, leur clas­se­ment, leur déve­lop­pe­ment et leur archivage.

Photoshop éditant une image : notez les calques empilés contenant les différents éléments.
Pho­to­shop édi­tant une image : notez les calques empi­lés conte­nant les dif­fé­rents éléments.

L’ar­ché­type de l’é­di­teur, c’est Pho­to­shop, appa­ru dès les années 80 chez les illus­tra­teurs et deve­nu très cou­rant chez les pho­to­graphes, qui a été conçu pour modi­fier des images.

La limite n’est pas tou­jours nette : Ligh­troom a des fonc­tions de retouche basique et Pho­to­shop dis­pose d’un outil de navi­ga­tion sur le disque dur, per­met­tant de clas­ser les pho­tos. Mais il n’empêche : si on cherche une alter­na­tive à Pho­to­shop, la pre­mière chose, c’est de regar­der du côté des édi­teurs et de lais­ser les cata­lo­gueurs de côté.

C’est la pre­mière erreur fon­da­men­tale de DP Review, qui semble par­tir du prin­cipe que plein de pho­to­graphes uti­lisent Pho­to­shop pour clas­ser leurs pho­tos et se per­met donc de citer en pre­mière alter­na­tive Ligh­troom. C’est énorme : Pho­to­shop et Ligh­troom sont déve­lop­pés par la même boîte, Adobe, et ils ont deux publics suf­fi­sam­ment dif­fé­rents pour que celle-ci pro­pose à ses clients de prendre l’un, l’autre ou les deux.

Darktable (catalogueur/développeur) en train de classer des photos. Ne cherchez pas comment assembler deux photos, c'est pas son travail.
Dark­table (catalogueur/développeur) en train de clas­ser des pho­tos. Ne cher­chez pas com­ment assem­bler deux images, c’est pas son travail.

Pour la faire courte : quel­qu’un qui veut édi­ter des images a besoin de pou­voir cor­ri­ger quelques pixels (donc une brosse, un pin­ceau, appe­lez ça comme vous vou­lez), et il doit pou­voir assem­bler plu­sieurs élé­ments en choi­sis­sant com­ment les fusion­ner (sélec­tion, copie, calques et masques). Un logi­ciel qui ne pro­pose pas ces bases n’est pas une alter­na­tive à Pho­to­shop (mais il peut être une excel­lente alter­na­tive à Lightroom).

On se demande donc se que foutent dans cette liste Ligh­troom, Mylio (un pur cata­lo­gueur, ne pro­po­sant pas de fonc­tion de retouche), Apple Pho­tos (un cata­lo­gueur rela­ti­ve­ment basique) et After­Shot Pro (un déve­lop­peur pro­po­sant un sys­tème mul­ti­zone très avan­cé et des fonc­tions de cata­lo­gage basiques, mais pas un édi­teur) : ce sont des concur­rents de Ligh­troom, mais en aucun cas de Photoshop.

On pour­rait donc cor­ri­ger le titre : 7 alter­na­tives à Pho­to­shop et quatre autres logi­ciels. Hum.

Mangez des pommes

L’au­teur de l’ar­ticle uti­lise un Mac, ça se voit. Et a du mal à croire que cer­tains de ses lec­teurs ont peut-être un autre sys­tème d’ex­ploi­ta­tion que OS X. Je ne parle même pas des linuxiens et autres curio­si­tés dans mon genre, non : Win­dows, qui occupe tou­jours plus de 85 % des ordi­na­teurs (source : Net­Mar­ket­Share), est très lar­ge­ment sous-représenté.

Du fait de la domi­na­tion de Win­dows, on trouve sou­vent dans les listes de logi­ciels des appli­ca­tions ne fonc­tion­nant qu’a­vec ce sys­tème. Et je com­prends tout à fait les uti­li­sa­teurs de Mac qui râlent dans ce cas de figure — même s’il est tou­jours pos­sible d’ins­tal­ler Win­dows sur un Mac, ce n’est pas vrai­ment le but à la base.

Win­dows (87 %)OS X (10 %)GNU/Linux (2 %)
Ligh­troomxx
Affi­ni­ty Photo(un jour)x
Pixel­ma­torx
Pho­to­shop Elementsxx
Gimpxxx
Apple Pho­tosx
Mylioxx
After­Shot Proxxx
Acornx
Pho­to­Di­rec­torxx
Pho­to­Linexx

Ici, tous les logi­ciels cités sont com­pa­tibles Mac. Bien. Mais quatre d’entre eux, Apple Pho­tos, Pixel­ma­tor, Acorn et Affi­ni­ty Pho­to, sont incom­pa­tibles avec Win­dows — l’ar­ticle dit que ce der­nier est en ver­sion bêta, mais à ma connais­sance c’est uni­que­ment Affi­ni­ty Desi­gner qui est ain­si en tests, et Pho­to pour Win­dows reste pour l’heure une annonce pure­ment future.

Dans un monde où plus de quatre ordi­na­teurs sur cinq sont sous Win­dows, DP Review trouve le moyen de four­nir une liste dans laquelle plus d’un tiers des sug­ges­tions ne sup­portent pas ce sys­tème. J’applaudis.

Notons en pas­sant que si Gimp est bien noté comme com­pa­tible “Mac, Win­dows, Linux”, l’au­teur a oublié de signa­ler la com­pa­ti­bi­li­té Linux d’Af­ter­Shot Pro.

Abordables

La notion du prix maxi­mum auquel on peut dire qu’un logi­ciel est abor­dable est très variable, d’une per­sonne à l’autre et d’un type de logi­ciel à l’autre.

Je vais quand même vous les mettre dans l’ordre :

Gimp : gratuit

Acorn : 30 $

Pixel­ma­tor : 30 $

Affi­ni­ty Pho­to : 50 $

Pho­to­line : 60 $

Pho­to­shop Ele­ments : 100 $

Pho­to­Di­rec­tor : 145 $ (pour avoir les calques et les cor­rec­tions optiques)

Et pour les catalogueurs :

Apple Pho­tos : gra­tuit (mais faut ache­ter un Mac)

After­Shot Pro : 80 $

Mylio : 100 $ par an (pour avoir le déve­lop­pe­ment Raw)

Ligh­troom : 149 $ à vie ou 120 $ par an

Vous met­tez la barre de l’a­bor­dable où vous vou­lez. Mais on m’ô­te­ra pas de l’i­dée que Pho­to­Di­rec­tor, Mylio et Ligh­troom sont des choix dis­cu­tables de ce point de vue.

Bilan

Si je résume, dans la liste d’al­ter­na­tives abor­dables à Pho­to­shop de DP Review, seul Gimp est un édi­teur abor­dable dis­po­nible pour OS X et Win­dows. Pho­to­line coûte 60 $ ; c’est je pense déjà un peu cher pour les gens qui se mettent en quête d’une alter­na­tive abor­dable, mais ça passe encore. Il est pos­sible que Pho­tos (qui reste pile sous la barre psy­cho­lo­gique des 50 $) les rejoigne lors­qu’Af­fi­ni­ty aura déve­lop­pé la ver­sion Windows.

Le reste, c’est cher, c’est pour Mac uni­que­ment, et/ou ça n’est pas un édi­teur, donc pas une alter­na­tive à Photoshop.

L’autre gros pro­blème, c’est que la des­crip­tion d’un logi­ciel ne dépasse jamais un feuillet, et il n’y a même pas de bilans façon points forts/points faibles per­met­tant de se faire une idée rapide. Du coup, on est plus près du résu­mé de la fiche mar­ke­ting de l’é­di­teur que de la pré­sen­ta­tion informative.

La conclu­sion vaut son pesant de caca­huètes : le grand public se voit recom­man­der des logi­ciels à au moins 100 $, les uti­li­sa­teurs avan­cés celui à 145 $, et les pros celui à 50 $.

Gimp, qui est gra­tuit et tout à fait uti­li­sable pour les opé­ra­tions cou­rantes, n’a selon sa fiche que deux défauts : “le gra­phisme [de l’in­ter­face] est moins élé­gant” et il n’in­tègre pas de déve­lop­peur Raw. Pour­tant, il n’est même pas men­tion­né dans la conclusion.

Bref, du beau tra­vail de jour­na­liste qui sait se mettre dans la peau d’un uti­li­sa­teur recher­chant un logi­ciel peu coûteux.