Détecter la dépression grâce à Instagram
|Et si Instagram permettait de détecter la dépression ? L’idée n’est pas forcément révolutionnaire, mais le résultat est assez prometteur : dans une analyse à petite échelle, un algorithme a permis d’établir un diagnostic avec une meilleure fiabilité que celle des psychiatres.
Analyser les données d’un réseau social pour détecter l’état mental des utilisateurs, l’idée n’a rien de neuf. Les termes utilisés, le rythme de publication, les humeurs associées (dans le cas de Facebook) peuvent être des indicateurs intéressants. La nouveauté, c’est de s’intéresser à Instagram, dont le support est essentiellement visuel et non langagier.
L’idée semble pourtant couler de source : il y a bien longtemps que les images ternes ou sombres sont associées à la tristesse, tandis que celles saturées et lumineuses paraissent plus gaies. Relier cette association traditionnelle à un diagnostic automatisé, tel est donc l’enjeu.
Celui-ci est de taille. Il ressort d’études précédentes sur la santé mentale qu’environ 22 % de la population est dépressive et que, si les médecins savent écarter la dépression chez les patients sains dans plus de 80 % des cas, ils n’identifient l’état d’un patient dépressif que 42 % du temps — la dépression est donc sous-diagnostiquée, ou diagnostiquée tardivement.
Pour leur étude, Andrew Reece (du département de psychologie à Harvard) et Cristopher Danforth (du département de mathématiques et statistiques à l’université du Vermont) ont enregistré l’activité des utilisateurs et les appréciations reçues par chacune de leurs photos. Ils ont compté l’éventuelle présence de visages dans le cadre et, surtout, ils ont analysé teinte, saturation et luminosité de l’image, ainsi que le filtre Instagram utilisé.
166 utilisateurs ayant posté 43 950 photos ont été analysés. Pour chaque cobaye, l’historique psychiatrique était relevé avec, éventuellement, la date de diagnostic du syndrome dépressif. Cela a permis un complément intéressant : l’analyse des images postées avant le diagnostic, à une période où l’utilisateur est probablement déjà dépressif, mais ne le sait pas encore.
Le résultat est remarquable : logiquement, les dépressifs tendent à poster des photos froides, ternes et sombres. Ils postent également plus souvent des portraits, mais plutôt d’individus et non de groupes. Et les filtres qu’ils sélectionnent sont spectaculairement différents de la population générale : si vous utilisez souvent Inkwell, Crema ou Willow, un petit tour chez un professionnel de santé s’impose !
En revanche, la fréquence de publication et le nombre d’appréciations reçues ne bougent guère. Mais cela a tout de même permis une analyse étonnamment efficace : le logiciel a su reconnaître 70 % des utilisateurs dépressifs, un taux dépassant largement la précision d’un diagnostic médical.
Il est également notable qu’en limitant l’analyse aux images publiées avant tout diagnostic, l’ordinateur a eu un peu plus de mal à détecter correctement la dépression ; cependant, il a conservé un meilleur taux de réussite que les médecins.
Il reste encore nombre de points à élucider et cette étude n’est qu’une première étape, qui peut encore souffrir de nombreux biais. Les auteurs eux-mêmes en notent un énorme : leurs patients dépressifs ont été diagnostiqués comme tels ; ce sont donc ceux qui ont consulté, et ils ne sont peut-être pas représentatifs de l’ensemble de la population dépressive.
Néanmoins, c’est une voie intéressante qui rejoint par certains aspects des études précédentes sur le comportement en ligne des dépressifs et pourrait à terme mener à une amélioration du diagnostic, et donc de la prise en charge des patients.