Viseur reflex hybride chez Canon ?
|À la sortie du Fujifilm X100, beaucoup s’étaient posé la question : le même système serait-il adaptable à un viseur reflex ? En principe, rien ne s’y opposait, sauf… le volume nécessaire. Canon semble avoir trouvé une solution assez compacte pour être intéressante ; c’est en tout cas le sujet du brevet japonais 2016–35525, récemment accordé.
Petit rappel : les viseurs hybrides Fujifilm, inaugurés sur le X100 et repris sur ses rejetons et sur les X‑Pro, combinent un viseur optique déporté et un écran électronique, les deux affichages étant superposés par un prisme semi-réfléchissant. L’écran peut ainsi afficher des informations de prise de vue détaillées dans le même cadre que l’image et, en fermant un obturateur, la visée optique peut être coupée pour utiliser l’écran comme un vrai viseur électronique (plus pratique avec de longues focales et en macro notamment).
Théoriquement, on peut ajouter un écran et un prisme de combinaison dans le chemin de n’importe quel viseur optique. Donc, notamment, d’un reflex. Le problème, c’est le volume : le prisme fait, fatalement, plusieurs millimètres d’épaisseur, et un viseur reflex n’a pas un tel trou — il n’y a qu’une paire de millimètres entre le dépoli et le pentaprisme, et guère plus entre celui-ci et les premières lentilles de l’oculaire. C’est beaucoup plus facile sur un viseur déporté : il est généralement basé sur le principe de la lunette de Galilée, avec un grand espace vide entre le groupe avant et le groupe arrière.
Diviser pour mieux compacter
C’est donc le petit succès de Canon : en compliquant un peu le chemin optique, ils ont pu grosso modo diviser par deux l’épaisseur du prisme (bleu clair ci-dessous) et l’intégrer dans le viseur reflex classique (bleu foncé). Pour cela, l’image issue de l’écran électronique n’est pas directement renvoyée vers l’oculaire, mais d’abord vers l’avant avant d’être reflétée vers l’arrière. Ce schéma de combinaison en deux réflexions pourrait vous rappeler quelque chose : il ressemble beaucoup à un autre brevet, déposé par Panasonic, pour un viseur hybride avec zoom. Les grands esprits se rencontrent, paraît-il…
La promesse de compacité est-elle tenue ? Le capteur est de toute évidence au format APS‑C (le haut du miroir d’un 24×36 mm est beaucoup plus près du capteur) donc, pour peu que le schéma soit à l’échelle, l’écran envisagé fait environ 6 mm de hauteur (ce serait une dalle de 0,5″, comme on en trouve dans une flopée de viseur électroniques), et la distance entre l’avant du prisme et la dernière lentille de l’oculaire est de l’ordre de 6 cm, à peine plus que sur les reflex APS‑C habituels. Reste un mystère : où est passée la cellule, habituellement située au-dessus de l’oculaire ? Si elle s’est réfugiée sur l’avant du prisme, cela pourrait demander quelques millimètres supplémentaires — mais l’ensemble resterait une belle performance d’ingénieur.
Mode électronique pur
Petite pique en passant contre un confrère qui devait être mal réveillé : j’ai lu quelque part que ce système serait dédié à la surimpression des données des prise de vue, mais ne permettrait pas une visée électronique “pure”. Bon, déjà, la quatrième ligne du billet d’Egami indique clairement que “l’écran affiche les informations de prise de vue lorsque le miroir est baissé, et affiche une image Live view lorsque le miroir est levé”.
Mais surtout, une seconde de réflexion suffit. Voyons ensemble ce qu’il se passe lorsque le miroir est levé (j’ai modifié le schéma à droite pour que ça soit plus clair) : plus aucune lumière n’entre par le dépoli ; le pentaprisme ne renvoie donc rien. L’image de l’écran électronique apparaît donc en surimpression sur… un fond noir. Autrement dit, elle apparaît seule. Pas besoin d’un obturateur comme sur les Fujifilm : ici, la remontée du miroir suffit à occulter la visée optique pour passer à une visée entièrement électronique.
D’ailleurs, Canon n’aurait aucun intérêt à inventer un système compliqué pour ajouter des informations de prise de vue : la marque a, depuis l’EOS 7D Mk II, le système d’affichage sur le dépoli le plus complet du marché, le viseur reflex pur permettant déjà de surimprimer le niveau électronique et les rappels de mode d’exposition, de balance des blancs, d’entraînement, de mode d’autofocus, de zone de mesure et de format de fichier, en plus des classiques zones de mise au point.
En revanche, son brevet de viseur hybride permettrait de conserver tous les avantages de la visée reflex (essentiellement la vue plus naturelle de la scène) et de proposer un Live View dans le même viseur, utile en particulier en vidéo. Les EOS 70D et 80D sont parmi les meilleurs reflex pour filmer, mais ils imposent pour l’instant de les tenir à bout de bras en regardant l’écran : cela pourrait enfin changer.
Bien entendu, tout ce système est plus compliqué que la visée totalement électronique utilisée par Sony. Mais la visée optique a ses aficionados et Canon pourrait avoir mis au point le mécanisme pour satisfaire tout le monde.