Samsung S7 : le fantôme de Canon
|Comme prévu, Samsung a présenté son Galaxy S7, un smartphone haut de gamme qui permet enfin d’installer une carte Micro SD pour ne pas perdre toutes ses données quand un composant électronique grillera. Comme prévu, il a un écran de plus de cinq pouces, comme prévu, il a un gros processeur, comme prévu, il a des bords légèrement incurvés, bref, il est tout comme prévu.
Tout, sauf un truc : le module photo.
À première vue, il a un capteur de 12 Mpx derrière un objectif de focale inconnue, mais ouvert à f/1,7. Rien de très spectaculaire, mais…
…mais ce capteur possède 24 millions de photodiodes. Plutôt que de masquer des demi-photosites afin de pouvoir faire de la corrélation de phase et donc d’améliorer l’autofocus, il utilise la différence de signal entre deux photodiodes d’un même photosite pour obtenir le même effet.
Avantage : ça marche sur toute la surface du capteur, tous les photosites participant à la corrélation de phase.
Autre avantage : pendant la capture de la photo, les charges des deux photodiodes sont utilisées pour fournir le signal du photosite, ce qui limite la perte de sensibilité due aux masques des systèmes de corrélation de phase classiques.
Inconvénient : la conception du photosite est plus complexe, le capteur est probablement un peu plus coûteux à réaliser et peut-être la sensibilité de base est-elle diminuée (mais la taille des photosites accrue, à 1,4 µm au lieu des 1,1 à 1,2 µm habituels sur les smartphones, devrait compenser).
Héritage canonique
En fait, ce principe n’a absolument rien de neuf. Canon a fait son premier “dual pixel autofocus” (c’est comme ça que ça s’appelle) il y a deux ans et demi, sur l’EOS 70D. À l’époque, la presse technique avait été unanime : l’autofocus de l’EOS 70D en visée sur écran était une réussite absolue, faisant de cet appareil le seul vrai reflex susceptible de concurrencer le Sony α77 pour filmer des machins qui bougent.
En revanche, ce capteur de 15×22,5 mm et 20 Mpxl (donc 40 millions de photodiodes) était décevant en basse lumière : sa montée Iso n’était pas vraiment meilleure que celle du 18 Mpxl qui l’avait précédé, bien que la conception de celui-ci remontât à 2009, et il souffrait de la comparaison avec les modèles Sony contemporains.
Ici, avec des photosites de 1,4 µm, les deux photodiodes vont être particulièrement serrées — chez Canon, elles avaient 4 µm pour prendre leurs aises ! En revanche, même si cela n’est pas précisé, il est permis de penser qu’elles occuperont peu ou prou la totalité de la surface du capteur, Samsung maîtrisant le Cmos empilé depuis un petit moment déjà, ce qui pourrait limiter la casse côté sensibilité. Dans tous les cas, ça sera très intéressant à suivre.
Au passage, il est malheureux que mes confrères parlant téléphone aient aussi peu creusé ce sujet (à ma connaissance, seuls Übergizmo et dans une moindre mesure Stuff ont pris la peine d’expliquer le principe du DPAF), c’est sans nul doute la vraie nouveauté du S7. Le comble, c’est que même chez Focus Numérique et DPreview, pourtant spécialisés photo à la base, personne n’a relevé la familiarité avec le système Canon.
Autant le dire, je suis extrêmement déçu du traitement de cette information dans la presse technique. Un smartphone, c’est un ordinateur, un écran, un appareil photo, une caméra, etc., intégrés dans un seul équipement. Du coup, au risque de paraître pédant, si l’on doit écrire dessus, on ne peut pas se permettre de ne pas suivre l’évolution des technologies dans chacun de ces domaines. Je ne demande pas aux journalistes smartphones d’en savoir autant qu’un technicien photo sur l’intérieur de chaque capteur, autant qu’un spécialiste informatique sur l’évolution des puces ou autant qu’un expert ès écrans sur les sous-variantes de la technologie IPS ; mais il doit connaître les grandes lignes de l’évolution dans ces domaines et il n’est pas normal qu’une technologie qui a marqué la photo comme le DPAF de l’EOS 70D leur soit inconnue deux ans après.
Petite mise à jour le 25 février : apparemment, c’est Sony qui fabrique le capteur. Sony ayant fait une belle série de capteurs aux performances (sensibilité et dynamique notamment) assez stupéfiantes ces dernières années, ça donne encore plus envie de voir ce que donne cet IMX260.