InVisage Quantum13, un nouveau type de capteur
|Cela fait une dizaine d’années qu’ils bossent dessus, plus de cinq ans qu’ils en parlent, et au moins deux ans qu’on l’attend : le premier capteur “QuantumFilm” arrive enfin sur le marché. InVisage, détentrice de cette technologie, a présenté le Quantum13, dont des prototypes sont déjà disponibles pour les fabricants de smartphones et qui pourrait être produit en quantité début 2016.
Le capteur QuantumFilm appartient à une nouvelle génération d’imageurs, de la même manière que les capteurs organiques (qui font, eux aussi, rêver depuis un moment, mais dont on attend toujours les applications pratiques). Dans les deux cas, le principe est simple : plutôt que d’utiliser le silicium comme matériau de base pour tout le capteur, il s’agit de le réserver à ce qu’il fait bien (les circuits électroniques) et d’utiliser autre chose pour ce qu’il fait mal (capturer la lumière).
Concrètement, au lieu de photodiodes au silicium, c’est une couche homogène de matériau photo-électrique qui est répartie sur un circuit de lecture Cmos tout à fait classique. Comme les capteurs organiques sont en fait des “Cmos-organiques”, le Quantum13 est en vérité un “Cmos-QuantumFilm”. Ça a son importance : l’essentiel de la fabrication est bien maîtrisé, seul le dépôt de la couche photosensible nécessitant un procédé spécifique, ce qui devrait maintenir un coût raisonnable.
Le QuantumFilm est, pour sa part, un assemblage de “points quantiques”, des structures de quelques dizaines de nanomètres capables de capturer ou d’émettre très efficacement de la lumière, de stocker des charges électriques, de servir de marqueurs fluorescents, etc. On est très loin d’avoir défriché leurs applications (ils pourraient notamment servir de base aux processeurs quantiques, quand on en créera), mais il est notable qu’ils sont ici capables de capturer quasiment toute la lumière visible en excitant systématiquement un électron pour chaque photon rencontré.
La perfection ?
L’intérêt évident est donc la sensibilité accrue : le signal électrique obtenu pour un éclairage donné est plus fort et/ou plus propre. On obtient donc une meilleure image en basse lumière, le gain étant estimé à 1,5 valeur Iso par rapport à un capteur Cmos classique.
Mais ce n’est pas tout : lorsque les points quantiques saturent, ils deviennent moins réactifs. Autrement dit, la sensibilité du QuantumFilm diminue dans les très hautes lumières, ce qui retarde la saturation et augmente la plage dynamique : le rendu naturel des hautes lumières se rapproche donc de celui des pellicules et la plage dynamique totale est augmentée — on parle d’environ 2 EV.
Un autre intérêt vient de la conception de la couche photosensible, emprisonnée entre deux électrodes : elle est ainsi activée ou désactivée instantanément sur toute sa surface. InVision revendique donc “le premier obturateur électronique véritablement global”, ce qui est un mensonge éhonté (les CCD interlignes avaient des obturateurs globaux il y a déjà des décennies) mais pourrait changer pas mal de choses dans un monde moderne dominé par des Cmos à obturateur rotatif, et où les capteurs à obturateur global sont rares et coûteux.
Enfin, la couche photosensible étant homogène et proche de la surface, peu importe l’angle d’arrivée des rayons : comme un film argentique, le QuantumFilm réagit bien à des photons très inclinés, conservant une bonne sensibilité et ne posant pas de problèmes de débordement. Cela permet de concevoir des objectifs plus simples et de les placer plus près du capteur. Nous, on s’en fiche un peu, mais les fabricants de smartphones adorent : le module Quantum13 ne ferait que 4 mm d’épaisseur, contre 5 à 7 mm pour les modules Sony qui dominent le marché actuel.
Attendons de voir…
Alors, le capteur QF (je parie qu’on ne va pas longtemps écrire “QuantumFilm” en entier) est-il parfait ?
Je reste sceptique.
Il y a au moins un élément qui me gêne dans la présentation de InVision : dès qu’il s’agit de dynamique et de sensibilité, la base de comparaison est le capteur Cmos classique. Or, celui-ci a disparu du marché des smartphones depuis une paire d’années, sauf peut-être sur des produits d’entrée de gamme ; les Cmos BSI forment maintenant le standard du marché et leurs enfants, les Cmos empilés, commencent à se répandre dès le milieu de gamme.
Or, pour ce qui est de photographier en basse lumière, les Cmos empilés mettent sans complexe une à deux valeurs Iso dans la gueule des Cmos classique. Ils ont également une bien meilleure dynamique et leurs photodiodes plus proches de la surface avalent elles aussi des rayons arrivant relativement en biais. En somme, exactement les avantages revendiqués par InVision.
Je dois être épouvantablement blasé, mais à chaque fois qu’on me présente une révolution par rapport à l’état de l’art d’il y a quatre ans, je me demande ce qu’elle donnerait face à l’état de l’art d’aujourd’hui — et surtout, je me dis que si son inventeur a choisi de comparer à une vieillerie, c’est que la différence avec le moderne ne doit pas être aussi spectaculaire qu’il aimerait.
Dans l’immédiat, je vois un truc qui est véritablement un gros avantage : l’obturateur global. Pour moi qui ai tendance à photographier des hélices plutôt régulièrement, c’est une révolution même par rapport aux Cmos à cadence accrue (qui balaient toute leur surface en moins de 1/100 s, limitant grandement les effets d’obturateur rotatif lors les mouvements de caméra).
Pour le reste, j’attendrai prudemment de juger sur pièces.