Filtre passe-bas réglable : la vraie nouveauté du RX1R II
|Sony vient d’annoncer la deuxième version de son RX1R (ou la troisième version du RX1, vous comptez comme vous voulez).
Le RX1, pour mémoire, c’était le premier compact à objectif fixe et à capteur 24x36 mm. Dans l’idée, c’était un corps inspiré du RX100 (le compact expert de la marque), dans lequel un capteur 24x36 mm était rentré au chausse-pied et sur lequel on avait fixé un 35 mm f/2 au lieu du petit zoom d’origine. Ça marchait bien, la qualité d’image était au rendez-vous, la prise en main était un peu inhabituelle mais on s’y faisait, l’ergonomie était efficace, et il était difficile de trouver une qualité d’image comparable sans s’encombrer du double du volume et du triple du poids : le RX1 était une vraie réussite, à peine ternie par une absence de stabilisation, un tarif très élevé… et la mentalité rétrograde de quelques maniaques du viseur (“Mais enfin, vous imaginez Cartier-Bresson visant à bout de bras ?”). Le RX1R, évolution apparue rapidement, c’était le même sans filtre passe-bas, pour gratter un poil de détails au risque de faire apparaître du moiré.
Depuis, le compact expert RX100, qui en est à sa quatrième génération, a reçu systématiquement la dernière évolution de capteur à son format, un viseur extractible, un écran orientable et une connexion Wi-Fi. Reprenez la même liste d’évolutions, et vous obtenez un RX1R II, équipé du capteur BSI Cmos de 42 Mpxl apparu sur l’α7R II et d’un viseur pop-up haute définition.
Logique, mais pas révolutionnaire. On note tout de suite quelques points de déception : d’abord, le RX1R II ne filme qu’en Full HD ; il fait également l’impasse sur la stabilisation, ce qui est doublement dommage puisque Sony a développé un stabilisateur mécanique l’an passé et que Leica a lancé un très joli Q bien stabilisé ; il n’a toujours d’écran tactile pour régler le point ou rentrer un mot de passe Wi-Fi et il conserve la batterie NP-BX1 dont l’autonomie est… disons poliment “perfectible”.
Le RX1R II n’a-t-il donc rien de remarquable ? Est-il une évolution basique qui a totalement oublié de regarder si, par hasard, le marché n’aurait pas légèrement évolué avec l’arrivée du Leica Q ? À première vue, oui.
À deuxième vue, il y a un détail extrêmement intéressant.
Le RX1R II dispose d’un truc inédit : le filtre passe-bas peut être activé ou désactivé à la demande. Comme la plupart des filtres passe-bas modernes, le principe utilisé est celui de la biréfringence : un verre spécial dévie différemment la lumière polarisée verticalement et celle polarisée horizontalement. L’intérêt par rapport à un simple verre dispersif est de contrôler parfaitement la séparation, donc la puissance de l’effet passe-bas.
Vous le savez peut-être, la propriété essentielle des cristaux liquides, c’est de modifier la polarisation de la lumière, cette modification étant fonction du courant électrique les traversant. En insérant une couche de LCD entre deux verres biréfringents, on peut donc contrôler la polarisation du faisceau : dans un cas, celle-ci n’est pas modifiée, le deuxième verre disperse la lumière de la même manière que le premier et l’effet est doublé, formant un filtre passe-bas efficace ; dans le second cas, la polarisation est inversée, le deuxième verre a un effet précisément inverse du premier et la lumière en sort exactement comme si elle avait traversé une simple vitre de protection, comme on en trouve sur tous les capteurs “sans filtre passe-bas”.
Le principe peut vous rappeler quelque chose : il y a deux ans, Nikon avait déposé un brevet de filtre passe-bas réglable reposant exactement sur la même logique. À l’époque, j’espérais le voir dans le successeur des D800 et D800E, mais la marque jaune avait choisi de faire un D810 sans passe-bas et de confier le contrôle du moiré aux bons soins du logiciel. Je suis heureux de voir que Sony a repris cette solution, élégante et théoriquement très efficace, pour devenir la deuxième marque (après le Pentax K‑3, qui détourne la stabilisation à cet effet) capable d’activer ou de désactiver un anticrénelage à volonté.
À quoi ça sert, direz-vous ? Très simple : sur un paysage naturel, un portrait, une nature morte, etc., vous allez désactiver cette fonction pour profiter du meilleur rendu des textures, des moindres détails des cheveux, des feuillages les plus croustillants possibles.
Sur un paysage urbain, une reproduction de toile ou d’autres situations où des fins motifs répétitifs viennent provoquer du moiré, vous l’activerez pour éviter que vos tuiles, vos volets ou vos fils se recouvrent de couleurs qui n’existent pas.