Schizo-photo
|Avant-hier, je me suis enfin décidé à faire un tour au magasin de bricolage pour acheter des ampoules, histoire de remplacer la demi-douzaine d’halogènes grillées dans mon plafond.
En les changeant, je me suis rappelé les blagues sur “combien de … faut-il pour changer une ampoule ?“¹ Et j’ai décidé de jouer avec, sur le thème : combien de Franck faut-il pour changer une ampoule ?
Le résultat rappelle forcément plusieurs photos du même genre à tous ceux qui ont suivi les défis “A photo a day”. Timothep² est le spécialiste local de ce genre de choses (il en fait une par édition, minimum), et Ghusse et moi avions trouvé l’exercice intéressant.
Mais voilà qu’un de mes contacts Facebook me demande le mode d’emploi. Donc voilà la méthode que j’utilise.
Étape 1 : les photos
Évidemment, il y a plusieurs images. Il faut donc en faire une série, de préférence en réfléchissant un peu à l’avance à ce qu’on veut faire. Dans mon cas, j’avais l’idée d’un type qui change l’ampoule, entouré d’autres qui l’aident ou essaient : un qui ouvre le blister pour donner l’ampoule de rechange, un qui tient la poubelle, un qui tient la chaise et surveille que les autres bossent…
J’avais aussi l’image des tableaux classiques, où un personnage central apporte la lumière et où tous les autres l’entourent avec adoration, comme les nombreuses Ascension (Rembrandt, Garofalo et pleins d’autres), La transfiguration de Raphaël ou les Naissance de Vénus de Botticelli et Bouguereau.
Dans la mesure du possible, il faut donc se faire quelques repères spatiaux pour savoir ce qu’on va montrer, combien de personnages, dans quelles attitudes approximatives. Il faut ensuite choisir son cadrage en fonction de ça en essayant de visualiser la répartition des personnages : j’ai tenté trois ou quatre positions de l’appareil, avec des inconvénients comme “là, celui qui bricole sera plus bas que les autres” et “non, là, celui qui coupe le blister sera forcément devant les autres”… Ou “le bureau est trop visible et j’ai la flemme de le ranger”, aussi.
Ensuite, toutes les photos doivent être faites avec la même focale, la même mise au point et les mêmes paramètres d’exposition (pas simplement la même exposition : un changement d’ouverture ou de sensibilité va entraîner des modifications de l’image qui compliqueront les raccordements). Il faut donc passer en exposition et mise au point manuelles.
Là, petit inconvénient au passage du bridge utilisé pour cette série : il a un traitement Jpeg adaptatif, qui modifie légèrement les courbes d’une image à l’autre. Du coup, j’ai quand même dû faire attention pour les assemblages… Alors qu’avec mon bon vieux reflex, les fonds sont rigoureusement identiques et y’a plus qu’à coller les photos les unes sur les autres.
Il ne faut jamais hésiter à multiplier les essais, avec des petites variations d’attitude du personnage : on se rend compte lors du tri que celle qui s’intègre le mieux dans la composition n’est pas toujours la photo la plus réussie prise isolément.
Voilà, on a un lot de photos brutes avec nos personnages dans les bonnes positions (et de photos brutes avec les personnages dans de mauvaises positions, aussi).
Étape 2 : le développement
Bien entendu, vous allez rapidement éliminer les photos les plus pourries. Passez aussi de l’une à l’autre pour voir comment deux images, ou plus, vont s’assembler, et ne garder qu’une ou deux photos pour chaque personnage de l’image final.
Vous l’avez compris, l’obsession, c’est que toutes les photos soient fusionnables le plus simplement possible. On doit pouvoir passer de l’une à l’autre sans noter de différence d’exposition ou de rendu : seuls les personnages doivent bouger. Il faut donc également utiliser exactement les mêmes paramètres de développement.
Là, un logiciel permettant le traitement par lots (ou scripté, au minimum) est un gros avantage. Dans mon cas, ç’a été Bibble. J’ai fait les réglages dans une image, puis je les ai sauvegardés dans un nouveau pré-réglage avant de les appliquer à toutes les photos de la série. Rien de très compliqué donc.
Pour le choix du noir et blanc, j’ai pas à me justifier au-delà de “j’aime bien” et ça passe mieux en format carré. En prime, ce bridge ayant une couche bleue extrêmement bruitée, passer en noir et blanc en ne gardant que la couche rouge a permis de nettoyer l’image.
Bien, maintenant, on a une série de photos ayant toutes le rendu qu’on souhaite pour l’image finale.
Étape 3 : l’assemblage
Pour ça, un logiciel de développement genre Lightroom ou Bibble ne suffit pas : il vous faut un éditeur d’image. Dans mon exemple, j’utilise Gimp, mais ça marche pareil sous Photoshop.
On commence par empiler toutes les photos sur la même image, chacune dans son calque :
Ensuite, on crée un masque pour chaque calque (clic droit → ajouter un masque de calque). Le masque de calque est un truc tout bête : là où c’est blanc, on affiche le calque correspondant, là où c’est noir, on affiche ce qu’il y a en-dessous. Les niveaux de gris permettent de gérer une transparence progressive pour fusionner en douceur.
C’est maintenant que commence la partie fastidieuse : pour chaque calque, on va sélectionner le personnages (et les éléments) à garder, et supprimer le reste. Le plus simple est de commencer par une sélection grossière pour visualiser les différents morceaux, puis faire les finitions avec un pinceau — en s’assurant de toujours peindre sur le masque et non sur le calque !
C’est ici que si votre appareil a un vrai mode manuel bien fiable, il va vous sauver la vie. Si toutes les photos ont exactement la même exposition et le même rendu, vous pouvez vous contenter de sélections très larges : seuls les endroits où deux personnages se superposent devront être gérés précisément, et les jointures seront invisibles.
Ici, par exemple, on voit le masque du type qui découpe le blister et donne l’ampoule. Plutôt qu’un détourage précis du personnage, il est plus simple de faire une sélection très basique du pan de mur sur lequel il est, en prenant le pied de table au passage, puis de mettre un petit coup de pinceau sur la tête du poseur d’ampoule là où elle déborde de quelques pixels.
Le temps économisé ici vous permettra de ne pas devenir dingue là où il y a des éléments superposés complexes, où vous serez obligé de perdre du temps à fignoler.
Dans mon cas, mention spéciale à la poubelle, sur laquelle il a fallu détourer individuellement chaque barreau pour afficher correctement les bras du type qui tient la chaise : à cet endroit, le masque ressemble à ça… et j’ai passé plus de temps sur ce seul élément que sur le reste des quatre masques !
Au passage, commencez toujours par le premier plan : ça vous évitera de faire des détourages travaillés sur des zones qui seront invisibles sur l’image finale.
Au bout du compte, la pile de calques ressemble à ça, avec toujours l’image la plus à l’arrière-plan comme fond (voire une image vide), puis des calques superposés avec chacun un masque où le personnage et son entourage sont blancs (visibles), le reste noir (masqué).
Pas très compliqué, mais ça demande un peu d’application et de réflexion pour donner un bon résultat.
Et donc, il faut quatre Franck pour changer une ampoule. ^^
¹ Si si, souvenez-vous :
“Combien de Siciliens faut-il pour changer une ampoule ? Trois : un pour la changer, un pour faire le guet, un pour éliminer les témoins.”
“Combien de psy faut-il pour changer une ampoule ? Un seul, mais l’ampoule doit vraiment avoir envie de changer.”
“Combien de négationnistes faut-il pour changer une ampoule ? Aucun, d’ailleurs pas un historien sérieux n’a jamais prouvé que l’ampoule était grillée.”
“Combien de linuxiens faut-il pour changer une ampoule ? Un pour trouver la bonne commande, six pour ajouter des paramètres au hasard et voir si ça change quelque chose, deux cent vingt-sept pour dire que quand même c’est plus efficace que sous Windows.”
Je vous laisse continuer, vous avez compris le principe.
² Au passage, j’avais pas été sur Flickr pendant deux semaines, Monsieur et sa femme en ont profité pour avoir un mini-eux. Ah ben bravo.