Monte-Carlo historique : col de Menée

Ce lun­di, Vincent (mon rédac-chef pré­fé­ré, com­ment ça “t’en as pas d’autre de toute façon ?”) ayant été assez gen­til pour me lais­ser prendre ma jour­née, je me suis joyeu­se­ment dépla­cé vers le col de Menée, un ther­mos de café dans une main, mon fidèle K10D dans l’autre.

Tout ça pour essayer de conju­rer la malé­dic­tion qui m’a frap­pé au Monte-Car­lo moderne il y a dix jours.

de notre envoyé spécial.

Départ à neuf heures trente, pour un ren­dez-vous à 11 h 20 : j’ai de la marge. Heu­reu­se­ment, parce que dès Beau­mont-en-Diois, il neige fort, et la route devient vrai­ment mau­vaise quelque part entre Luc-en-Diois et Luzerand.

À 11 h, chouette : j’ar­rive à Châ­tillon-en-Diois. À par­tir d’i­ci, je suis sur le tra­jet du ral­lye de Monte-Car­lo, ver­sion his­to­rique. Au lieu de soixante voi­tures modernes qui passent le plus vite pos­sible, c’est trois cents vieilles tiges d’au moins trente ans qui doivent res­pec­ter une moyenne impo­sée, de l’ordre de 45 km/h.

Petit sou­cis : le col de Menée, entre les Nonières et le croi­se­ment de Chi­chi­lianne, je le tour­nais à peu près à 45 km/h sur sol sec, de nuit et pres­sé, alors que c’est une route que j’ai faite dans tous les sens trois ou quatre fois par mois pen­dant six ans au point d’en connaître la moindre bosse. Donc, pour des gens qui ne la connaissent pas, sur neige qui plus est, même avec des paquets de bour­rins en plus et un super pilote, c’est un peu chaud.

Je com­mence donc tout de suite par féli­ci­ter Ernst Junt­gen et Mar­cus Mul­ler, sur leur Mer­cedes 300 SE, qui réus­sissent l’ex­ploit de finir l’é­tape avec 12 points de péna­li­té, cor­res­pon­dant à seule­ment 1,2 seconde d’é­cart sur la moyenne impo­sée… Ils ont bien pro­fi­té de leur heure de départ pour par­tir après que tous les autres avaient déga­gé la route, un cas qui n’est pas iso­lé (le podium du clas­se­ment final est mono­po­li­sé par des voi­tures de la fin du tableau).

Il faut quand même lâcher un mot de l’or­ga­ni­sa­tion. Vous le savez peut-être, j’ai bien râlé le mois der­nier contre Zani­ro­li, orga­ni­sa­teur du ral­lye Neige et glace, qui a com­men­cé l’É­cha­ras­son avec plus d’une heure de retard. Et bien là, je vais râler dans l’autre sens.

En tant que spec­ta­teur, on ne pense pas for­cé­ment à regar­der les détails du règle­ment. On prend le plan­ning, on voit “pre­mier concur­rent à 11 h 20”, et on se dit bête­ment qu’en visant dix heures et demie, on sera bon. La neige fait arri­ver vers 11 h 10, théo­ri­que­ment, c’est encore bon.

Sauf que c’est entre Châ­tillon et Les Nonières que des types comme Jean-Pierre Nico­las, Vic Elford, Bru­no Saby ou Eric Comas m’ont dou­blé. En fait, le règle­ment auto­rise les concur­rents qui le sou­haitent à par­tir en avance, jus­qu’à une demi-heure. Comme il nei­geait à gros flo­cons, les pre­miers ont tous sau­té sur l’oc­ca­sion pour ten­ter de pro­fi­ter de condi­tions un peu moins ter­ribles que celles qui se profilaient.

Donc, arri­vé au départ du sec­teur de régu­la­ri­té, j’é­tais beau­coup moins pres­sé : plein de gens étaient déjà loin devant moi… Aus­si, petit arrêt au départ pour voir.

Pre­mière pho­to avec Corinne Lan­don, qui net­toie les essuie-glace de l’Al­pine A110 1600 S qu’elle par­tage avec Patrick.

Lequel Patrick sort jeter un œil sous la plaque d’im­ma­tri­cu­la­tion, avant de s’ex­cla­mer : “Tu m’é­tonnes que ça chauffe, y’a pas d’air qui peut pas­ser avec cette neige !”

Et de grat­ter à la main le stock de poudre entas­sé devant le radia­teur de la pauvre Dieppoise.

Cinq minutes plus tard, Corinne, Patrick et Ber­li­nette repartent…

Je retourne prendre mon van pour mon­ter dans le sec­teur de régu­la­ri­té, pen­sant me caler dans la pre­mière épingle.

Oups, il y a quel­qu’un devant mon véhicule.

Juan Bre­da, Ange­la de la Hoz et leur Lan­cia Ful­via HF viennent de s’ar­rê­ter. En cause : l’i­ta­lienne tourne sur trois cylindres. Ouver­ture du capot, “Aiu­ta ?”, je bégaie un “Si…” et tiens deux outils pen­dant que Juan plonge dans le moteur. Il sort le fil d’a­li­men­ta­tion de la pre­mière bou­gie, et la cause est claire : le puits de bou­gie, qua­si­ment ver­ti­cal, a sto­cké deux bons cen­ti­mètres d’eau !

Ange­la sort un mou­choir que Juan envoie au fond du puits avec son tour­ne­vis. Il res­sort trem­pé, il reste de l’eau. Je vais cher­cher le rou­leau de papier toi­lette qui ne quitte pas mon cam­ping-car, il pique quelques feuilles et cette fois, arrive à tout pom­per. Fil de bou­gie en place, démar­reur, ça part au quart de tour (éton­nant pour une Lan­cia ?) et sur quatre cylindres.

“Gra­zie”, dit Juan en refer­mant le capot. “De nada”, réponds-je sans réflé­chir, pro­vo­quant un bel éclat de rire chez cet homme qui parais­sait jus­qu’a­lors plu­tôt tendu.

Ils fini­ront sei­zièmes du rallye.

Je reprends donc la route pour m’ins­tal­ler au croi­se­ment de Béne­vise. Les condi­tions de route ne donnent pas for­cé­ment envie d’al­ler plus loin, et il y a suf­fi­sam­ment de neige pour que ça pro­mette déjà de beaux passages.

D’ailleurs, si la 240 Z reste la plus belle voi­ture que Nis­san (à l’é­poque Dat­sun) ait pro­duite, on dirait bien que les épingles dans la neige, ce n’est pas vrai­ment sa spé­cia­li­té. Ici, Svein Lund et Tore Fre­drik­sen, que l’on ne soup­çon­ne­ra pour­tant pas de décou­vrir la pou­dreuse : ils sont nor­vé­giens et font par­tie des trente équi­pages cou­ra­geux qui ont pris le départ de Copenhague.

Pour d’autres, c’est bien avant le virage que ça paraît com­pli­qué… Mar­ta et Joao Quei­roz, par­tis de Bar­ce­lone sur leur BMW 2002, semblent cher­cher un peu la route au freinage…

D’autres ont tout sim­ple­ment du mal à convaincre leur voi­ture de tour­ner. C’est le cas de la qua­si-tota­li­té des chauf­feurs de Porsche 911 et d’une bonne part des uti­li­sa­teurs d’A110, comme Phi­lip Bur­gan et Peter Scott qui “jet­te­ront” fina­le­ment leur 1600S avec un bon coup de gaz pour la convaincre de pivo­ter, repei­gnant au pas­sage un cama­rade photographe.

La neige a ces­sé de tom­ber vers une heure. Rapi­de­ment, la tra­jec­toire s’as­sèche et s’il y a tou­jours quelques mal­adroits pour rater leur frei­nage, les pas­sages deviennent déses­pé­ré­ment propres. Il est temps de lever le camp pour aller cher­cher la neige côté isérois.

Je prends donc le van et attaque la mon­tée. La der­nière sec­tion avant le col est encore glis­sante : plu­tôt que d’ar­ra­cher la neige, les concur­rents l’ont dam­mée. Du coup, c’est par endroits sur de la tôle ondu­lée que l’on roule — rap­pe­lez-vous Le salaire de la peur.

Je des­cends après le col jus­qu’au pont du grand ravin. Dégoû­té : la tra­jec­toire est par­fai­te­ment déga­gée, à peine humide. Demi-tour, je repars sur la Drôme, avec moult pré­cau­tions pour ne pas ris­quer de me faire emplâ­trer par les fadas qui descendent.

Fina­le­ment, je trouve à me garer vers la pre­mière ferme, à un bon kilo­mètre du col, juste der­rière… des com­mis­saires char­gés du contrôle de pas­sage inopiné.

C’est un sec­teur assez filant, où l’on a vite fait prendre une cin­quan­taine de kilo­mètres à l’heure. De quoi s’en­traî­ner un peu aux filés…

Non, y’a pas tant que ça de Dat­sun 240Z. Mais quand y’en a, je les prends, c’est tel­le­ment plus rare qu’une Porsche… Chris­tophe Ges­lin et Louis Talou, 240è au clas­se­ment final, à plus de deux heures de leur moyenne idéale.

Et pour finir en beau­té, Claude Guiot et James Lefievre, der­niers enga­gés, sur une véné­rable Citroën 11 CV, qui réus­si­ront contrai­re­ment à beau­coup à finir certes loin de leur moyenne idéale, mais sans pénalité.

Bilan de la journée :

Les concur­rents peuvent par­tir une demi-heure avant leur heure de départ. Celle-là, elle est notée, vous pou­vez me croire.

Quand Pentax dit avoir tro­pi­ca­li­sé le K10D, ils ne pen­saient peut-être pas à ce tro­pique-ci, mais c’est pas des blagues. Au plus fort des chutes de neige, mon appa­reil avait deux cen­ti­mètres de chose blanche gluante sur le des­sus, qui suin­tait sur tout le boî­tier. Là, c’est sûr, il ne reste rien de la pous­sière du Terres du Diois : je l’au­rais fou­tu dans la machine à laver, je crois pas qu’il aurait été beau­coup plus humide.  Et bien, au bout de plus d’une heure de ce régime, il répon­dait beau­coup mieux que mes doigts.

Le ral­lye his­to­rique, c’est tou­jours aus­si sym­pa. Il y avait beau­coup moins de monde au bord de la route que l’an pas­sé (ben oui, il y avait du soleil en 2007… même si on a eu beau­coup plus froid !), mais tou­jours une bonne ambiance de vieux nos­tal­giques qui racontent des anec­dotes oubliées.  Les voi­tures sont variées, même si on trouve ici le com­plexe des coupes mono­types : il y a trois modèles sur-repré­sen­tés, la Porsche 911, l’Al­pine A110 et la Lan­cia Ful­via, au point qu’on s’en lasse.

Le ral­lye sur neige, c’est pure­ment génial. Note pour l’an pro­chain, si jamais j’ai l’oc­ca­sion d’al­ler en Nor­vège vers la mi-février…

Vous serez peut-être éton­nés du peu de pho­tos qu’il y ici. Onze seule­ment, sur 300 concur­rents, alors que j’en avais plus du double en reve­nant du Neige et glace et de ses 50 engagés…

En fait, vus la vitesse de pas­sage des concur­rents et le nombre de tête-à-queue, tout-droit et autres ratés, je suis ren­tré avec envi­ron 500 pho­tos et un taux de déchet inha­bi­tuel­le­ment faible. Du coup, j’ai eu la flemme de faire un tri com­plet et j’en ai juste mis une poignée.

Concur­rents, si vous cher­chez des pho­tos de votre voi­ture, envoyez-moi un cour­riel sur l’a­dresse herisson26 at free.fr : j’en ai bien sûr raté quelques-unes, notam­ment quand je me dépla­çais ou pen­dant que je man­geais, mais je crois que j’ai au moins une pho­to potable — ni géniale, ni catas­tro­phique — d’en­vi­ron une voi­ture sur deux.