M&m’s (Monte & Maudit)
|Ceux (celui ?) qui suivent ce site doivent s’en douter : la semaine passée, je me suis déplacé pour aller jeter un œil au rallye de Monte-Carlo.
Pour tout vous dire, j’ai même pris mon vendredi (merci chef) pour descendre jusqu’en Ardèche, vous savez, cette sorte de Drôme de la rive droite, pour ne pas me contenter comme l’an passé du seul Vercors.
Du coup, vous vous demandez peut-être pourquoi vous n’en avez pas eu un joli post plein de photos comme pour le Neige et Glace.
C’est simple : c’est une histoire de malédiction.
de notre envoyé spécialement dégoûté.
Tout commence en fait au Neige et Glace, justement. Tant que j’étais du coté de l’Écharasson, et sachant que le Monte-Carlo passait sur le Vercors, j’en ai profité pour aller faire une petite reconnaissance.
Première constatation : trente centimètres de neige en-dehors des routes. Pas la peine d’espérer, comme l’an passé, se laisser enfermer entre les deux spéciales (celle du col de Lachau et celle de l’Écharasson sont parallèles, à cinq kilomètres de distance) pour passer de l’une à l’autre par les pistes forestières.
Du coup, décision est prise de monter directement me garer au croisement col de la Machine / col de l’Écharasson, et de monter à pied sur la spéciale pour me placer à l’avance dans un des virages où, du moins je l’espère, il restera de la neige.
En montant, je vois qu’avec mon heure d’avance sur la fermeture des routes, je suis loin d’être le premier.
Un bon lot de supporters est venu d’Italie. Il faut dire que pour ceux du nord, c’est plus facile de venir au Monte-Carlo qu’à leur manche nationale, en Sardaigne. (Au passage, les Français font pareil : le Monte-Carlo, c’est la manche nationale de Monaco, pas de la France.)
En plus des traditionnels encouragements à leurs pilotes (Galli, superstar), un hommage appuyé à deux pilotes et un copilote récemment disparus : Richard Burns, Michael “Beef” Park et Colin McRae.
Après une demi-heure de marche, je passe au croisement des pistes forestières. Il a dû faire chaud, elles sont dégagées. J’aurais pu voir les deux spéciales comme l’an passé… Ça commence bien !
Enfin bon, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, je me place dans un virage où une petite plaque de glace au freinage permet d’espérer que les voitures passeront un peu en glisse. Il est près de six heures, la nuit tombe, les merguez cuisent tandis que les gens se gèlent.
Les ouvreurs passent pour corriger les notes de leurs pilotes, puis les officiels, et puis…
Bon sang, y’a vraiment des cons sur cette planète ! Un groupe de blaireaux s’amuse à étaler de la neige sur la piste. Rappelons que, les ouvreurs déjà passés, c’est pour le moins super dangereux de faire ce genre de choses : tout le monde a des notes pour un droite sec avec une plaque de verglas au freinage, et va se retrouver sur un tas de neige soigneusement dammée.
Je saute quelques étapes pour passer directement aux conséquences : quelques pilotes se font surprendre, une voiture finit carrément sur le bas-coté…
…d’autres se font très peur, à l’instar de cette Subaru. À peine celle-ci passée, je ressens un grand choc sur la main et le front…
…un gros bloc de neige vient de me percuter, se faufilant pile au-dessus de l’objectif, à droite du flash — tout neuf, sa première sortie — pour tenter de m’assommer ! Plus de peur que de mal, heureusement : rien de cassé dans le matériel, et le bonhomme quitte pour une éraflure.
Illustration du danger du truc : une voiture sort, les gens doivent l’éviter (beaucoup, beaucoup de monde au Monte-Carlo)…
…quand elle est arrêtée, tout le monde se précipite pour la pousser ou pour photographier (sauf moi), et quand elle repart, le concurrent suivant doit éviter la voiture et les vingt abrutis qui traînent au milieu de la route.
Enfin bref, y’a quand même des voitures qui sont passées. Mais, occupé que j’étais à faire des photos d’ambiance, j’ai raté Daniel Elena et Sébastien Loeb, et vlan, c’est le moment qu’a choisi la batterie du K10D pour tomber à sec.
Le temps d’en changer (dans le noir, avec un appareil alourdi par un flash, trouver une batterie noire dans un sac noir…), j’avais raté une bagnole de plus…
Du coup, je vous fais grâce des ratés et je vous en mets juste deux :
Il y avait une toute nouvelle écurie qui débutait en championnat du monde sur ce Monte-Carlo : Suzuki. Les SX4 sont plutôt jolies, à mon goût en tout cas, et pas autant à la ramasse qu’on l’aurait craint : Jonas et Per-Gunnar Andersson ont fini huitièmes. Quant à Tomi Tuominen et Tony Gardemeister, ils ont dû abandonner.
Comme l’an passé, l’Ardéchois Jean-Marie Cuoq, pilote de Philippe Janvier, était engagé. Sa septième place ne souffre a priori pas de contestation, au contraire de sa victoire au championnat de France bitume aux cotés d’Olivier Marty, toujours suspendue à une éventuelle condamnation de la fédération pour reconnaissances illicites.
Bref, après ces quelques moments plutôt frustrants, je redescends jusqu’au van et cap sur l’Ardèche et Antraigues sur Volane.
En voyage, premier sale coup : j’arrive au col de la Fayolle, itinéraire assez évident pour aller à Antraigues, à… minuit dix. Fermeture des routes à minuit !
Coup d’œil sur la carte, okay, je prends une route toute petite, toute tordue, à peine plus large que le Transporter, mais très jolie. A cinq bornes d’Antraigues, je me pose pour dormir.
Au petit matin, paysage bien sympa.
Un sacré test pour le calibrage des écrans, aussi : quand je l’ai traitée, je voyais bien les détails de cette photo, mais le soleil a un peu tourné et je n’y vois plus rien à cette heure.
Bon, pour ceux qui connaissent, la question qu’on se pose, c’est : pourquoi Antraigues ?
La réponse est simple : le restaurant La Remise distribue des tartelettes aux pommes aux équipages du Monte-Carlo depuis… disons, quelques années.
Du coup, je me suis dit que ça changerait des spéciales, et puis, je devais avoir un peu de temps pour rejoindre l’arrivée de Saint-Martial-Béléac. Gilles Panizzi, qui ouvrait avec la 0, s’arrête et discute deux minutes avec Yves Jouanny, le patron de La Remise. Cinq minutes après, Elena et Loeb arrivent…
…et voilà tout ce que j’aurai comme photo : à peine la C4 immobilisée, une foule de givrés saute dessus pour voir de près à quoi ça ressemble, des quadruples champions du monde.
Franchement, faut avoir les nerfs solides quand on est pilote de rallye : moi, une foule qui me fait un coup comme ça, je fonce dedans pour aller chercher de l’air.
Ils repartent, et rapidement, déception : les autres concurrents ne vont même pas ralentir. Sur le moment, conviction profonde et déprimante : ils n’ont pas dû obtenir la dérogation qu’ils avaient eue l’an passé pour cet arrêt, “assistance illicite” selon la lettre du règlement débile de la FIA.
En fait, la distribution a eu lieu… l’après-midi, une possibilité qui ne m’avait pas traversé l’esprit étant donnée l’affluence à neuf heures.
Qu’à cela ne tienne, ça me libère du temps pour aller directement à l’arrivée de la mythique spéciale de Lachamp-Raphael. Du coup, j’essaie de me pointer… À trois kilomètres de Lachamp-Raphael, les voitures avancent au pas. Coincé, pas moyen de faire demi-tour. Je perds une demi-heure à trouver un parking où tourner et, vue l’heure avancée, je décide de repartir pour aller au col entre Saint-Martial et Le Chambon, dans la spéciale suivante.
À environ un kilomètre du col, que je vois dans les virages, des voitures garées. Okay, je suis plus très loin, je me gare avant d’être coincé.
Plus haut, mince alors, y’a plein de place un peu partout.
Au col, merde, c’est pas le bon col, y’a encore deux kilomètres de marche… À la bourre, moi qui ai pathologiquement tendance à avoir une heure d’avance partout ou je vais !
Du coup, le temps que j’arrive au col, la spéciale était quasiment finie. Ras-le-bol, direction le van, je vais me pointer à Saint-Martial par l’autre coté (celui où les Valentinois n’arrivent pas), entre les deux passages. Là, il y a une piste que j’ai repérée sur la carte au 1/25 000 du coin qui devrait me permettre d’approcher la spéciale.
J’arrive jusque là sans problème — les flics se méfient des centaines de bagnoles qui arrivent de Privas, mais ignorent royalement celles qui se pointent par l’ouest. Sur la carte, ma piste part à l’angle d’une maison. Je passe une piste sans aucun bâtiment, et j’en prends une qui s’ouvre à l’angle d’un gros transformateur EDF. Un kilomètre de neige, tiens, ça fait un peu plus long que prévu, je me gare un peu en force sur un tas de neige à coté de deux Pajero (merci les pneus neige) et je pars à pieds à travers bois, dans la neige.
Quand enfin, à travers les arbres, après être descendu une demi-heure, je vois un peu au loin, horreur : je suis de l’autre coté du vallon que je visais. Du coup, la piste doit être encore deux ou trois cents mètres plus bas, qu’il faudrait remonter de nuit après la course… Pas jouable. Je remonte, décidé à aller sur la bonne piste, celle où l’IGN a dessiné un bâtiment qui n’existe pas.
Cinq minutes après avoir retrouvé mon van, je maudis Dieu, le destin, les marabouts africains qui jettent des sorts pour faire revenir votre femme, les astrologues pour qui les sagittaires réussissent tout ce qu’ils entreprennent, Eole qui a amassé sur ce parking vingt centimètres de neige alors qu’il n’y en a pas un flocon sur les routes, et le type qui eu l’idée de vendre des Transporteur deux roues motrices alors qu’il s’était emmerdé à concevoir le Synchro. Pneus neiges ou pas, même calés avec des branches, que dalle : la roue arrière gauche descendue dans un trou et décidée à ne plus en sortir.
Dix minutes pour chaîner (montage facile, mon œil ! Celles de Ghusse, y’a deux ans à Val Thorens, se mettaient carrément mieux !), et gratter trente secondes avant qu’enfin ça se dégage. Merci au monsieur qui m’a aidé à sortir et que j’ai ensuite ramené jusqu’à sa voiture.
Donc, je déchaîne, je reprends la bonne piste, me gare, marche les cinq cents mètres prévus et je me retrouve au bord de la spéciale, avec quelques centaines de gens, trois commissaires de l’ACM qui ne comprenaient pas mieux que moi pourquoi ils n’avaient plus un flic pour leur donner un coup de main alors qu’il y avait plus de képis que de bonnets sur le Vercors, et un photographe de DPPI qui tentait de se suicider.
Ambiance sympa, les voitures arrivent, allons bon, le levier d’autofocus s’est calé entre deux positions et, du coup, j’ai plus de mise au point… Merci Daniel, merci Seb, vous pouvez revenir quand j’aurai un appareil réglé comme il faut ?
Finalement, le premier dont j’ai une photo à peu près correcte, c’est le Belge Stéphane Prévot, piloté par Chris Atkinson. Ils finiront troisièmes.
En fait, c’est un gauche rapide sans grand intérêt, qui permet tout juste de juger de l’équilibre des voitures. Par exemple, les SX4 ont encore un peu de mal : leurs pilotes (ici, Gardemeister, mais Andersson fera pareil) les jettent dans la courbe avec violence, et elles prennent pas mal de gîte. Y’a encore du boulot dans l’équipe de “Monster” Tajima.
Voilà, j’ai vu du monde, des paysages (ah, le Gerbier de Jonc !), mais niveau rallye, ballepeau. Et niveau photo, chou blanc.