Pentax K10D
|Ayé, j’ai pu tester ce beau boîtier qui fait rêver qu’il est beau qu’il est génial et tout ! (En plus, je me le suis payé.)
Alors, avant d’attaquer une critique particulièrement élogieuse, résumons les épisodes précédents.
Pentax est le nom d’un appareil photo mythique de Asahi, le tout premier reflex doté d’un viseur à pentaprisme, permettant ainsi une visée naturelle et horizontale. Depuis, c’est devenu une marque qui a longtemps été une référence notamment pour les reporters (et pour les amateurs, avec les appareils série ME, particulièrement compacts et légers). Hélas, cette marque a eu un peu de mal à négocier le virage de l’auto-focus, à la fin des années 80, époque où Canon est devenu un géant comparable à Nikon et où les autres grands, Olympus, Minolta et Pentax en tête, ont piqué du nez.
Mais, comme Olympus, Pentax a décidé une belle stratégie de reconquête avec le passage au tout numérique. Olympus a misé sur un système tout nouveau, le «quatre tiers», entièrement incompatible avec l’existant, pour faire des boîtiers ultra-compacts comme le E‑400, dans la lignée des OM‑1, et offrir un ensemble parfaitement adapté aux caractéristiques de la photo numérique, des objectifs au flash en passant par les boîtiers. Pentax, au contraire, est LA marque qui a assuré la rétro-compatibilité, puisque les objectifs 42mm à vis sont encore utilisables sur les boîtiers numériques de la marque — j’y reviendrai.
Bref, après des *ist D séduisants mais à peine, Pentax a lancé coup sur coup les K100D/K110D (appareils identiques à un détail près, voir l’article du 11 janvier), petits reflex 6 mégapixels pleins de charme pour débutants, et le K10D, appareil un peu spécial, sujet du présent billet.
Donc, un K10D, c’est quoi et kékila de si spécial ?
D’abord, résumons la fiche technique. Le K10D est un reflex ambitieux, qui utilise le même capteur Sony 10 Mpix que les Nikon D80 et D200. Comme eux, il joue sur une ergonomie à deux molettes et plein de boutons qui le place d’emblée dans la catégorie «amateurs éclairés». Il est le premier à utiliser le format Adobe DNG pour enregistrer ses données brutes, ce qui facilite grandement le post-traitement (le DNG étant un format ouvert, au même titre que le PDF, n’importe quel logiciel peut savoir le lire), et également le seul à l’heure actuelle à proposer un bouton d’accès direct pour enregistrer ponctuellement une image brute en plus du JPG normal. Ça, c’est beaucoup bonheur pour amateurs retouche.
Comme Pentax (enfin, Asahi) a inventé le pentaprisme, ils ne pouvaient pas passer à coté : le viseur est exemplaire. Passez votre œil d’un viseur de Canon à un viseur de K10D, et vous verrez la différence : plus grand, plus lumineux, un peu plus granuleux (donc moins beau, mais qui permet de mieux voir ce qui est net et ce qui ne l’est pas). Un très gros confort, auquel on reprochera cependant un système de réglage de la correction dioptrique assez pénible — mais bon, on s’en sert pas tous les jours. En prime, le verre de visée est interchangeable, sans avoir à bricoler : c’est prévu pour et pas plus compliqué que de changer d’objectif. Les verres proposés par Pentax sont pas très bandants, mais on peut espérer que d’autres proposent prochainement des verres à prismes ou à stigmomètre.
Pour l’utilisateur adepte du coté pratique, le K10D propose deux modes de prise de vue inédits : priorité à la sensibilité (vous choisissez la sensibilité directement, l’appareil sélectionne vitesse et ouverture) et priorité ouverture et vitesse (appelé «hyper-manuel» par Pentax, ce mode vous permet de sélectionner vous-même la quantité de flou de mouvement et la profondeur de champ, l’appareil adaptant la sensibilité pour garantir l’exposition). Il a également l’immense qualité que les fonctions des molettes et de certains boutons sont entièrement paramétrables : de quoi vous faire un appareil sur mesure, adapté à votre logique. Vous pouvez même choisir entre trois programmes d’exposition différents, l’un standard, les autres permettant de privilégier la profondeur de champ ou la vitesse d’exposition.
Revers de la médaille : si vous êtes habitués à votre K10D et que je vous prête le mien (Ben tiens, j’aimerais voir ça !!!), vous risquez de ne plus retrouver vos marques.
On notera aussi la présence du bouton vert, celui qui dit «Don’t panic» (1) et vous ramène, en fonction du mode sélectionné, aux réglages conseillés par l’appareil. Utile si vous vous paumez en réglant plein de paramètres différents.
Une excellente ergonomie globale, avec une poignée confortable (je l’aurais préférée encore un poil plus large, mais quand on voit ce que fait Canon au même prix, on va pas se plaindre), des boutons bien placés, des molettes parfaitement accessibles, une utilisation intelligente des différents boutons (notons ainsi le taquet de choix de la mesure d’exposition, concentrique au sélecteur de mode et bien pratique à l’usage), un peu gâchée (comme sur les autres Pentax du reste) par des menus illogiques — mais l’avantage d’avoir plein de boutons, c’est qu’on va dans les menus à peu près une fois, pour les réglages de départ, et qu’on n’y retourne jamais ensuite.
Les pinailleurs noteront le bouton de verrouillage d’exposition assez chaud à atteindre (il faut passer le pouce par-dessus sa cale), alors qu’il aurait été si bien sous le majeur droit (comme sur les Minolta X, amen). C’est d’autant plus dommage qu’un autre bouton ayant une fonction analogue, celui de verrouillage de la mise au point, est, lui, parfaitement accessible sous la molette arrière. Heureusement, on peut coupler les deux : on verrouille alors en même temps exposition et mise au point, ce qui est rarement gênant.
On apprécie aussi l’écran de rappel des réglages, un petit truc en voie de disparition mais particulièrement pratique quand l’appareil est sur pied…
Les verrouillages des trappes sont un peu difficiles à prendre, notamment celui de la batterie : il s’agit de petites clefs à tourner… Mais ces trappes ont ainsi l’avantage d’être verrouillées avec une certaine pression, et comme il y a des joints, l’humidité ne s’infiltrera pas pour pourrir votre carte SD ou votre batterie.
Car c’est la «killer app», comme disent les Étasuniens, du K10D : il est étanche.
Bon, pas étanche pour faire de la plongée, mais il possède des joints un peu partout, autour des trappes, sous les boutons, autour des molettes ; de quoi lui permettre de survivre en environnement hostile — sous la pluie ou dans la poussière d’un rallye par exemple.
C’est pas le seul appareil ainsi protégé, mais le moins cher des autres (le Nikon D200) attaque à 1500 €…
Pour la qualité d’image, y’a que du bon. Le capteur a déjà prouvé ses qualités : Nikon D200 et D80 et Sony α100 l’utilisent avec bonheur. Pour le post-traitement, Pentax a eu la bonne idée de permettre un flopée de réglages de balance des blancs (dont trois possibilités de lumière fluo), incluant l’entrée directe d’une température en kelvins et, bien sûr, le réglage sur une surface neutre. Cerise sur le gâteau, chaque réglage est personnalisable selon deux axes bleu/ambre et vert/rouge, fonction habituellement présente uniquement sur les boîtiers à vocation professionnelle.
La sensibilité restera le gros regret de l’appareil : il plafonne à 1600 iso, ce qui n’est pas forcément une tare (Combien d’appareils proposent un 1600 iso totalement inutilisable ? Mieux vaut rester sur des choses qu’on maîtrise !), mais vus les résultats à cette sensibilité, on se laisse aller à penser qu’un choix supplémentaire jusqu’à 3200 aurait été gérable : une photo correctement exposée, sans zone trop bouchée, à 1600 est tirable en A4 sans bruit excessif. Et comme d’une part, la plage de sensibilités est personnalisable (vous pouvez restreindre l’automatisme entre une valeur minimale et une maximale) et, d’autre part, le K10D affiche un avertissement lorsqu’il dépasse un seuil que vous fixez, on pourrait tout à fait choisir soi-même d’accepter ou non un 3200 iso qui serait limité au tirage 10x15 — mais utilisable. D’ailleurs, les p’tits frères K100D et K110D montent à 3200…
Niveau autofocus, pas grand-chose à redire. Un peu bruyant (comme chez Nikon, le moteur est dans le boîtier, mais ça devrait bientôt changer avec les premiers objectifs SDM), il reste rapide et précis, y compris en basse lumière (merci à l’amphi du lycée de Die, éteint pour passer un film, qui m’a permis de le confirmer). En plus, nul besoin de passer par les menus pour sélectionner le mode d’autofocus : on active (ou pas) le suivi de sujet par le même interrupteur qui permet de passer en mise au point manuelle, et une couronne entourant le contrôleur permet de passer instantanément en multizone ou en sélection d’un collimateur.
Coté objectifs, c’est le grand bonheur… pour les amateurs d’occasions. Contrairement à Canon ou à Nikon, Pentax n’a pas une grande gamme récente, avec motorisation ultrasonique, optimisée à fond pour le numérique ; mais, outre que Tamron et Sigma fournissent quelques très belles pièces récentes, l’appareil est compatible avec virtuellement toutes les optiques Pentax ayant existé. J’avais un peu râlé, en essayant le K100D, de voir qu’il fallait activer deux options spéciales dans les menus et jouer avec un bouton pas forcément logique pour prendre une photo avec un objectif ne disposant pas de l’ouverture automatique (enfin, ça laisse quand même pas mal de cailloux parfaitement compatibles, depuis le début des années 80).
Sur le K10D, c’est plus simple : une option à activer pour utiliser la bague de diaphragme (me demandez pas pourquoi c’est pas coché par défaut : ça ne gêne pas avec des objectifs récents et ça peut servir avec des anciens), puis vous calez l’appareil en mode manuel. Pour avoir une priorité ouverture, appuyez sur le bouton vert : l’appareil ferme le diaphragme le temps de mesurer la lumière et règle la vitesse en fonction. Sinon, sélectionnez simplement la vitesse que vous souhaitez. Le seul petit regret, c’est que, dans ce mode, la molette normalement dédiée à l’ouverture ne sert plus à rien ; tant qu’à faire, j’aurais aimé qu’elle règle directement la sensibilité.
Donc, le parc optique compatible avec une utilisation relativement aisée s’étend jusqu’aux années 50, les objectifs à vis étant utilisables avec une bague d’adaptation, les objectifs à monture K étant montables tels quels. Une compatibilité exemplaire, dont aucun autre constructeur ne peut se vanter — le plus proche, Nikon, a encore une longueur de retard, surtout avec les D40 et D40x qui ne feront la mise au point qu’avec des objectifs à motorisation ultrasonique. Plaisir suprême : le K10D est doté d’une stabilisation par le capteur, et l’on peut rentrer la focale des objectifs trop vieux pour la dire eux-mêmes, de 8 à 800 mm, pour assurer une stabilisation efficace.
Bon, si je résume, le K10D, c’est quoi ?
C’est un appareil pour amateur éclairé, comparable en fonctions et en ergonomie à un D80. C’est la dernière occasion d’utiliser les objectifs des années 70 (Tamron avait à l’époque fait quelques petits trucs adaptables à toutes les montures et dignes de Rolls-Royce). C’est un boîtier tropicalisé et renforcé qui, à ce niveau, se place en concurrent du D200 (chez Canon, rien en-dessous des EOS 1D). C’est un petit bijou personnalisable à loisir — c’est donc lui qui s’adapte à son photographe et non le contraire, pour une large part. C’est un boîtier innovant, offrant des modes de réglages qui tirent enfin partie de la facilité de changer la sensibilité sur un numérique — les autres constructeurs, à ce niveau, n’ont rien amélioré depuis le film.
Et surtout, ce truc coûte le prix d’un EOS 400D.
Sur ce coup-là , si Pentax rejoint pas Canon, c’est à n’y rien comprendre.
(1) Don’t panic est une marque déposée de Hitchhiker’s guide to the Galaxy.