Nikon DL, discrètement remarquable
|Ainsi vient la gloire en ce monde : le format 1″ (correspondant à un cercle d’image de 15,9 mm, le plus souvent utilisé par des capteurs de 8,8×13,2 mm) n’existait quasiment pas il y a seulement cinq ans. Le lancement des Nikon DL vient pourtant confirmer qu’il est désormais incontournable sur un compact expert.
Nous sommes en 2011. Les compacts experts utilisent généralement des capteurs 2/3″ (environ 6,6×8,8 mm), donnant une qualité d’image proche des compacts grand public. Une poignée de modèles à plus grand capteur ont été réalisés chez Sigma (13,8×20,7 mm pour les DP) et Fujifilm (15,7×23,7 mm pour le X100), mais leurs objectifs sont déjà un peu gros bien qu’il s’agisse de focales fixes ; quant à un grand capteur avec un zoom optique, ça n’a été tenté que sur le monstrueux Sony R1 (discret et léger comme Dwayne Johnson) et le Canon G1 X (beaucoup plus compact, mais qui garde un côté Jason Statham).
Capteur | Objectif | Dimensions | Naissance | |
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Panasonic CM1/CM10 | Cmos 20 Mpx | 28 mm f/2.8 | 135×68×21 mm | 2014/09 |
Canon G9 X | BSI 20 Mpx | 28–84 mm | 98×58×31 mm | 2015/10 |
Sony RX100 I‑IV | Cmos, BSI puis stacked 20 Mpx | 28–100 mm puis 24–70 mm | 102×58×40 mm | 2012/06 |
Canon G7 X I‑II | BSI 20 Mpx | 24–100 mm | 103×60×40 mm | 2014/09 |
Panasonic TZ100 | Cmos 20 Mpx | 25–250 mm | 111×65×44 mm | 2016/01 |
Panasonic LX100 | Cmos 1,2″ 13 Mpx¹ | 24–75 mm | 115×66×55 mm | 2014/09 |
Canon G5 X | BSI 20 Mpx | 24–100 mm | 112×76×44 mm | 2015/10 |
Sony RX10 I‑II | BSI puis stacked 20 Mpx | 24–200 mm f/2.8 | 129×88×102 mm | 2013/10 |
Canon XC10 | Cmos 12 Mpx | 24–240 mm | 125×102×122 mm | 2014/04 |
Panasonic FZ1000 | Cmos 20 Mpx | 25–400 mm | 137×99×131 mm | 2014/06 |
Canon G3 X | BSI 20 Mpx | 24–600 mm | 123×77×105 mm | 2015/06 |
Il y a donc un énorme trou entre les capteurs 2/3″ et les grands capteurs. Là, après que les premiers capteurs 1″ sont apparus sur les Nikon 1, Sony fait la démonstration spectaculaire de l’intérêt de ce format intermédiaire : cela s’appelle Sony RX100, et c’est un compact design, à peine plus gros que les bijoux avancés du moment (Canon S100 par exemple), mais nettement meilleur en basse lumière et bien plus efficace pour jouer sur la profondeur de champ. Je pense que rien que sur Les Numériques (où je sévissais à l’époque), mon article a dû en faire vendre un container entier. Par la suite, le format s’est également étendu aux bridges, où il permettait de faire des zooms plus généreux que ceux des reflex (ou du R1 bien sûr) tout en ménageant une bien meilleure qualité que sur les bridges “ultra-zooms” : à nouveau, c’était un compromis idéal entre qualité et encombrement.
L’exception jaune
Prendre un capteur 1″ pour faire des appareils compacts de qualité a donc séduit plein de monde : Sony bien sûr, mais aussi Canon (sur quatre modèles différents !), Panasonic et DxO, sans compter quelques fabricants de caméras. Restait Nikon, qui s’obstinait à laisser un trou béant entre les séries P300 et P7000 (capteurs de 5,7×7,6 mm) et le A (capteur de 15,6×23,6 mm et focale fixe). Son absence était d’autant plus spectaculaire que la marque, avec sa série 1 à objectifs interchangeables, avait été la première à proposer des appareils grand public à capteur 1″.
La marque jaune répare donc enfin son coupable oubli. Et de belle manière, puisque ce sont trois compacts d’un coup qu’elle présente.
Cette présentation va plaire aux techniciens à plus d’un titre. Non seulement il s’agit d’une réponse assez directe à la jolie gamme de compacts 1″ de Canon, mais Nikon a également enfin décidé de se mettre à la page côté vidéo, généralise la connectivité Bluetooth LE (plus pratique et moins consommatrice de batterie que le WiFi), et surtout la marque indique clairement les spécifications des produits dans leur nom : ils s’appellent DL24-85 f/1.8–2.8, DL18-50 f/1.8–2.8 et DL24-500 f/2.8–5.6.
Certes, c’est pas joli à écrire, mais je vous laisse deviner les caractéristiques de leurs objectifs : ça sera plus facile à retenir que G3 X, G5 X, G7 X et G9 X — à vous de jouer, lequel a quelle optique, lequel a un viseur, attention y’a un piège ?
Le premier est donc un compact expert tout à fait classique, qui penche un peu du côté imposant de la force : avec 5 cm d’épaisseur, il est un poil plus gros que le G7 X Mk II, qui devrait être son principal adversaire, et sensiblement plus que le RX100 IV, qui joue plus au bijou. Sa principale originalité est son mode macro, qui permet de capturer plein cadre un objet de 9 mm par 14 mm (mais en approchant à 3 cm : pour les insectes, faudra les tuer d’abord).
Le troisième est un bridge tout aussi classique : avec son 24–500 mm f/2,8–5,6, il s’insère entre le FZ1000 (qui s’arrête à 400 mm mais garde un f/4 à la plus longue focale) et le G3 X (qui grimpe à 600 mm mais a oublié le viseur !).
Le deuxième, enfin… mérite un paragraphe pour lui. Allez, inter-titre :
Voir large
Pour se lancer deux ans après tout le monde, il faut avoir un atout dans sa poche : Nikon avait besoin d’un appareil dont personne ne dirait “ah, donc c’est comme le xxx mais en jaune”.
C’est le rôle du DL18-50. Comme son nom l’indique, sa plus longue focale correspond au “standard” 50 mm. Et son grand-angle est un équivalent… 18 mm. Il capture donc un angle horizontal de 90°, à comparer aux 74° d’un très grand angle 24 mm.
Ça ne sert pas à tout le monde : personnellement, un 24 mm me va parfaitement. Mais les fans d’ultra-grand-angle, certains urbexeurs, les architectes, ou tout simplement ceux qui veulent toujours un champ plus large, vont être aux anges : plus besoin de se payer un 12–24 mm à 1360 € pour le coller sur son reflex, un compact fera l’affaire !
Et surtout, c’est un appareil qui n’a aujourd’hui pas d’équivalent sur le marché. Les compacts experts ont soit une focale fixe grand-angle (28 ou 35 mm, les seules exceptions sont chez Sigma), soit un zoom transstandard commençant entre 24 et 28 mm et finissant vers 100 mm. La plus courte focale accessible sur ce type d’appareil est à ma connaissance le 21 mm fixe du Sigma DP0 — et le DP0, c’est le genre de “compact” suffisamment impressionnant pour servir de massue en cas d’agression.
Le DL18-50 est un peu spécialisé et ne va peut-être pas se vendre par palettes, mais il se distingue suffisamment pour attirer l’attention, ce qui peut être important sur ce marché devenu très concurrentiel ces dernières années.
En tout les cas, ce trio d’appareils vient confirmer définitivement l’importance du format de capteur 1″, sur lequel personne n’aurait misé un kopeck il y a cinq ans. Il est franchement agréable de voir comment le secteur a su remettre en question très rapidement le bouclier étanche qui séparait petits et grands capteurs pour trouver la voie du milieu — car au milieu, c’est merveilleux.