Le fond de l’œil est frais

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Ceci, mes­dames et mes­sieurs, est mon œil. Vu de l’in­té­rieur, bien sûr. À gauche, vous recon­nais­sez le point aveugle, avec l’ar­ri­vée des vais­seaux san­guins et du nerf optique ; à droite, la zone sombre est la macu­la, l’en­droit où il n’y a qua­si­ment plus de vais­seaux et où les cel­lules pho­to­sen­sibles se serrent comme des sar­dines pour assu­rer la per­cep­tion la plus fine pos­sible. Cette rétine est “very nice, very heal­thy”, d’a­près le type qui l’a faite, à la der­nière Canon Expo.

Pour les dis­traits au fond qui dra­guaient leur voi­sine en cours de chi­mie et d’his­toire, rap­pe­lons que voir l’in­té­rieur du corps humain a été une révo­lu­tion pour la méde­cine, et que le pre­mier exemple per­met­tant de voir l’in­té­rieur de quel­qu’un sans l’ou­vrir a été obte­nu en pla­çant un humain entre une plaque pho­to­gra­phique et une source radio­ac­tive. À par­tir de là, qui mieux que les opti­ciens pou­vait créer des objec­tifs per­met­tant d’a­mé­lio­rer la qua­li­té des radio­gra­phies et d’é­tendre son champ d’ap­pli­ca­tion ? Qui mieux que les pho­to­chi­mistes pour créer des sup­ports sen­sibles à des plages plus variées de rayons X, voire γ ? La radio­gra­phie et la pho­to­gra­phie sont intrin­sè­que­ment liées depuis leur naissance.

De grands noms de la pho­to­gra­phie sont donc des acteurs majeurs des tech­no­lo­gies de san­té. Si vous avez eu des ana­lyses au micro­scope, il y a des chances qu’on ait obser­vé vos cel­lules à tra­vers un Nikon ; si vous avez goû­té à la tomo­gra­phie en cohé­rence optique, il est pos­sible que Lei­ca ait été impli­qué ; et si on vous a enfon­cé un endo­scope dans le nez, la bouche ou d’autres cavi­tés, il est hau­te­ment pro­bable qu’O­lym­pus y soit pour quelque chose. Avec un peu de retard, Canon s’est lan­cé sur le mar­ché il y a quelques années, et pré­sen­tait cette année toute une gamme de produits.

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Le plus amu­sant était évi­dem­ment le sec­teur oph­tal­mo­lo­gie, où il était pos­sible de se faire faire le fond de l’œil sur cette machine extrê­me­ment sophis­ti­quée. Ah oui, en fait, c’est gros­so modo un EOS 60D fixé sur un sup­port spé­cial, qui com­porte l’in­ter­face infor­ma­tique et un gros objec­tif macro avec flash inté­gré : bel exemple de récu­pé­ra­tion de tech­no­lo­gies déve­lop­pées par le dépar­te­ment d’à côté.

Plus poin­tu, il y avait éga­le­ment une machine qui envoyait un fais­ceau laser de faible puis­sance et ana­ly­sait son retour pour faire une coupe de l’œil, sans rien cou­per bien sûr, par­ti­cu­liè­re­ment utile pour visua­li­ser les décol­le­ments de rétine par exemple. Ci-des­sus, le pro­fil autour de la fovea, le point de vision le plus pré­cis de l’œil, en léger creux par rap­port au reste de la macu­la. Notez les traits noirs ver­ti­caux : ce sont les vais­seaux san­guins, qui absorbent le rayon laser et masquent les tis­sus plus profonds.

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Ce n’é­tait pas le seul domaine médi­cal pré­sen­té, mais les autres res­taient très théo­riques et peu inter­ac­tifs. Canon met­tait en avant un nou­veau sys­tème de mam­mo­gra­phie, com­bi­nant laser et détec­tion d’ul­tra­sons pour réa­li­ser une ima­ge­rie tri­di­men­sion­nelle des vais­seaux san­guins d’un sein — les can­cers entraî­nant un déve­lop­pe­ment local et rapide de nou­veaux vais­seaux, visua­li­ser ceux-ci peut per­mettre de détec­ter ceux-là. Mal­heu­reu­se­ment, aucune démons­tra­tion n’é­tait pro­po­sée. Note plus sérieuse : ce sys­tème est d’a­bord appli­qué à la mam­mo­gra­phie, ce qui per­met­tra aux femmes de ne plus se faire écra­ser les seins dans des engins de tor­ture, mais il devrait pou­voir modé­li­ser n’im­porte quel sys­tème san­guin, ce qui peut être utile dans bien d’autres domaines. Je pense d’a­bord à la nécrose isché­mique et à la gan­grène, mais c’est parce que j’ai vu Eve­rest y’a pas long­temps et il y a sans doute plein d’autres domaines où ça peut servir.

Un pro­to­type des­ti­né à la “tomo­syn­thèse” (recons­ti­tu­tion tri­di­men­sion­nelle à par­tir de tranches, logique très proche de la clas­sique tomo­gra­phie) en limi­tant l’ex­po­si­tion radio­lo­gique était éga­le­ment pré­sent, mais celui-ci semble encore plus loin d’une appli­ca­tion à grande échelle.

On note tout de même l’ab­sence totale de micro­scopes et d’en­do­scopes : Canon semble plu­tôt s’o­rien­ter vers l’a­na­lyse externe et non-inva­sive… et évite ain­si de s’at­ta­quer aux chasses gar­dées de ses petits cama­rades. Ambi­tieux, mais pru­dent, finalement.