Et si le viseur du Leica SL n’avait rien d’extraordinaire ?
|Comme un certain nombre de gens, j’ai été très impressionné par le viseur du Leica SL : large, précis, il offre un niveau de détails extrêmement élevé et une finesse d’affichage exceptionnelle. La raison est simple : avec 4,4 millions de points (soit 1 400×1 050 px, avec trois points par pixel), il est beaucoup plus défini que les autres, le sommet étant depuis quelques années déjà limité à 1 024×768 px, soit 2,36 Mpt (je laisse de côté le Leica Q et ses 1 280×960 px, il emploie une technologie LCoS que je ne supporte pas). Leica a également doté le SL d’un oculaire généreux donnant un grossissement de 0,8x, à comparer aux 0,72x des bons reflex 24×36 mm.
Comme tout le monde, je viens de voir passer l’annonce d’Epson, qui explique produire désormais en masse l’écran LCD de ce viseur — du moins, il est extrêmement probable que ce soit lui : Epson est le grand spécialiste de l’écran LCD haute densité, les spécifications correspondent parfaitement, et on voit mal quel autre fabricant se serait lancé dans cette aventure sans le claironner.
Et là, je vois un détail auquel je n’avais pas fait attention (je viens de vérifier, il était bien indiqué dans la fiche technique du SL) : il fait 0,66″ de diagonale, soit 16,8 mm.
Je n’y avais pas fait attention pour une raison simple : la taille qui nous intéresse pour juger du confort d’un viseur, c’est la taille d’affichage dans l’oculaire, généralement donnée en grossissement de l’image cadrée avec un objectif 50 mm. Prenez un écran de 10 mm et un de 20 mm, mettez sur le premier un oculaire deux fois plus grossissant que sur le second, vous verrez la même chose dans les deux.
Mais au moment de juger la performance sur le plan technique, la taille de l’écran intervient.
D’abord, parce que si vous faites le calcul, vous verrez que cet écran a une résolution (taille d’un pixel) de 9,6 µm. Ça vous paraît petit ? Oui, mais… Si vous ramenez cette résolution sur la taille d’un écran de viseur classique de 0,5″ (12 mm), vous obtenez une définition de 1 024×768 px. Soit précisément celle du LCD Epson qui fait le bonheur de bien des appareils hybrides, ou du viseur Oled Sony très apprécié sur le haut de gamme — et tous deux ont été lancés quand j’étais encore aux Numériques !
Autrement dit, du côté d’Epson, il n’y a pas de réelle performance : le japonais a juste fait sur 135 mm² ce qu’il faisait il y a trois ans sur 72 mm².
Et du côté du grossissement ?
Et bien, pour obtenir un grossissement global de 0,8x avec un écran de 16,8 mm, le grossissement optique de l’oculaire est en réalité inférieur à celui offrant 0,7x sur un écran de 12 mm. L’oculaire du Leica SL est donc une “loupe” plus large (pour couvrir l’écran), mais sensiblement moins forte que celles du Fujifilm X‑T1, du Panasonic G7, de l’Olympus E‑M5 II, ou même du bon vieux Sony α77.
L’un dans l’autre, le viseur du Leica SL n’est donc pas une performance technique. Il est évidemment très réussi, mais c’est plus le coût de réalisation d’un écran de cette taille et de son oculaire qui justifie qu’on ne l’ait pas fait plus tôt. Et vu le prix du boîtier, il n’y a rien d’étonnant non plus à ce qu’on puisse y insérer quelques composants coûteux…